Enfin, ce qui est bon surtout, c’est de rappeler les essentiels dans ce combat que mènent plusieurs élus de tous bords contre l’offre de choix à la cantine… la seule qui permet à tous les enfants de la République de se réunir autour du repas de leur journée d’école.
La restauration scolaire est un service public facultatif
Les deux dernières décisions de la Cour administrative d’appel de Lyon le rappelle, la restauration scolaire relève bien de la catégorie des services publics facultatifs.
En conséquence, il est vrai que le Conseil Municipal est libre de créer, d’organiser selon ses moyens, voire de supprimer la restauration scolaire. Il s’agit bel et bien d’un choix politique, porté par une majorité municipale en réponse à un intérêt public local.
Mais la décision relative à la fin du substitut au produit porcin dans les cantines de Chalons sur Saône précise : Et c’est ainsi que le dispositif de la décision permet de conclure que c’est sans raison valable que la commune a fait évoluer les modalités pratiques de la cantine, et qu’il y a matière à illégalité. Le fondement de la délibération (la laïcité et la neutralité) constitue aux yeux des juges une véritable erreur de droit.
Est-ce à dire qu’un autre motif pourrait être légal ? On pense à l’argument massue du maire de Chalon, Gilles Platret, qui considère soit à bon droit soit de manière abusive, que demander qui mange quoi lors de l’inscription à la cantine conduit à établir des fichiers ethniques ou religieux, ferments de discriminations graves et interdits de longue date. A suivre... la décision ouvrant la porte, avant même un recours devant le Conseil d'Etat, à la prise d'une nouvelle délibération sur un motif différent. Texte intégral de la décision
Est-il vraiment question de laïcité dans l'assiette ?
Dans le cadre de stages que j’anime sur le sujet dans toute la France, j’ai plaisir à voir et entendre que la question fondamentale que pose la restauration scolaire se situe sur le plan de la qualité et de la quantité des produits présentés aux enfants. Quelle que soit la formule choisie, la préoccupation des acteurs de ce terrain est que les enfants recouvrent leurs forces en mangeant à leur faim des choses qui leur conviennent. Ce qui est rare, entraînant un gaspillage alimentaire difficile à réguler. De leurs témoignages concordants, le problème n’est pas directement lié au porc qui ne serait pas consommé.
Il reste que les demandes de type confessionnel existent, et que des parents interdisent à leurs enfants de manger du porc, sinon de la viande en général. Alors d’autres discours me sont tenus : faut-il servir tous les enfants, même lorsque l’on sait que le produit contient du porc et que les enfants concernés n’en mangeront pas ? Que faire lorsque le menu propose raviolis ou lasagnes ? Comment réagir face aux parents qui passent de l’incompréhension à la colère ? Le maire tient absolument que les enfants soient mélangés à table : le fait d’avoir une liste d’enfants mangeant sans porc nous rend-il responsable s’ils consomment, même en cachette, un produit en contenant ?
Qu’il serait commode que la laïcité permette de régler ces problèmes. En fait, elle le permet, mais pas dans le sens que l’on croit. En effet, s’applique aux restaurants scolaires rien de plus que la « Charte de la laïcité dans les services publics » qui assure aux usagers un accueil respectueux de chacun et de ses convictions.
Vous me ferez au moins deux objections : -il y est écrit que les usagers s’abstiennent de tout prosélytisme. Manger selon son culte peut-il être considéré comme tel ? Assurément non, manger selon son culte ne constitue pas un acte réalisé dans le but de recruter des adeptes pour sa cause. -On y trouve aussi : les usagers ne peuvent exiger une adaptation du fonctionnement du service public. Oui, mais la phrase suivante est à considérer : Le service s’efforce de prendre en considération les convictions de ses usagers dans le respect des règles auquel il est soumis et de son bon fonctionnement.
Le principe de laïcité pas plus que celui de neutralité ne font donc obstacle à une adaptation des menus pour assurer un accueil favorable aux usagers, qu’elles que soient leurs convictions. L’offre de choix, qui permet à chaque enfant de se procurer les aliments selon son goût ou ses convictions est donc le meilleur système, et vu le poids des poubelles en fin de service, mérite l’attention des gestionnaires qui l’ont écarté d’emblée pour motifs budgétaires.
Ajoutons pour être complet que, bien évidemment, l’offre de choix ne signifie pas fournir de la nourriture ritualisée au mépris de l’interdiction historique et souveraine de financer les cultes. Ce serait là, pour le compte, une véritable entorse au principe de neutralité ; et il n’est guère laïque (respectueux) de proposer à tout convive une viande selon le rite de quelques-uns.
C’est ainsi que, le même jour et dans une autre affaire (Commune de Volgans, Savoir) la Cour de Lyon va, en rejettant le recours formé par un usager contre l’offre de choix offerte aux enfants de la cantine, conclure que : « 3. Les principes de laïcité et de neutralité auxquels est soumis le service public ne font, par eux-mêmes, pas obstacle à ce que, en l'absence de nécessité se rapportant à son organisation ou son fonctionnement, les usagers du service public facultatif de la restauration scolaire se voient offrir un choix leur permettant de bénéficier d'un menu équilibré sans avoir à consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses ou philosophiques. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a retenu qu'en ce qu'elles permettent un tel choix à ses usagers, les modalités de fonctionnement du service de la restauration scolaire instituées à Voglans ne méconnaissent ni les dispositions des articles 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 1er de la Constitution, ni celles des articles 1er et 2 de la loi du 9 décembre 1905 ni, enfin, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Texte intégral de la décision
Et si donner à manger aux enfants encourageait le communautarisme ?
Nous changeons de cadre, mais il convient d’en parler. Notre pays traumatisé par la dernière vague d’attentats est toujours menacé par une dérive violente de fanatiques empruntant les chemins de l’Islam. Que ce soit bien clair, il ne faut leur céder aucun pouce de terrain.
Mais les victoires judiciaires remportées contre des décisions hâtives de majorités municipales parfois de bonne foi, parfois vindicatives (notamment burkini et menus sans porc), ces victoires que nous commentons ici, elles le sont par des associations proches des mouvances salafistes politiques (type « Frères musulmans »). Alors je pose la question : ces décisions ne reviennent-elles pas à donner du crédit à ceux qui, par Internet ou dans les snacks hallal, promettent monts et merveilles à quelques jeunes s’ils prennent les armes contre nous parce qu’ici, notre démocratie et nos lois font de leurs frères des victimes au mieux, ou au pire des apostats ?
Il est temps de changer de discours et de lieux pour lutter contre la violence et le terrorisme. Et ça, ça ne se joue pas dans l’assiette de nos enfants !
Bref, tout est bon dans le cochon, mais le meilleur, ça reste la polémique politicienne… jusqu’à quand ?
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