Renvoyant dos à dos les partisans d’une identité acquise une fois pour toutes dans le passé et les adversaires de cette notion conservatrice qui parfois vont jusqu’à nier toute forme d’identité, Nathalie Heinich examine les travaux multiples dont la liste serait longue mais qu’il suffit d’en lire quelques titres pour voir à quel point cette question occupe la pensée contemporaine : L’identité malheureuse, Les embarras de l’identité, Malaise dans l’identité, Piège d’identité, L’identité c’est la guerre, L’illusion identitaire, Les identités ambigües… On pourrait poursuivre cette liste. L’auteure y a travaillé pour en conclure qu’il ne faut pas réduire cette notion à un seul point-de-vue. À la fois ce qui me fait différent (comme dans le latin ipse, répondant à la question qui ?) et ce qui m’associe (comme dans le latin idem, répondant à la question quoi ?), elle n’est « ni le bon ‘soi-même’ ni le mauvais ‘même que’ ». Elle passe par trois moments : celui de la « désignation (par autrui) », c’est-à-dire ce que l’autre me renvoie, celui de la « présentation (pour autrui) », c’est-à-dire ce que je montre, et celui de « l’autoperception (de soi à soi) », c’est-à-dire comment je me considère. Elle cite, entre autres, Paul Ricoeur qui écrit que le chemin de soi à soi passe par les autres, et que mon identité est le récit que j’en fais (pour moi ou pour les autres). De plus l’identité évolue, elle n’est pas inscrite définitivement dans un individu, ni même un groupe. Dans la définition qu’elle élabore en fin d’ouvrage, il me semble lire que l’identité n’est pas d’abord un objet mais elle est surtout la façon dont un sujet se vit.