Tombée de rideau sur Esquina Carlos Gardel [Actu]

Publié le 30 octobre 2018 par Jyj9icx6
Ce matin (ou plutôt hier soir), La Prensa était le seul quotidien argentin à se faire l'écho de la fermeture définitive d'un des plus célèbres cena-show de la capitale argentine, très fréquenté par les cars de touristes internationaux : la Esquina Carlos Gardel, installée dans les murs d'un ancien restaurant populaire, le Chanta Cuatro, où, après son travail de porte-faix aux halles toutes proches (el Abasto), le futur grand chanteur avait, dans les années 1910, l'habitude de manger un morceau gratuitement contre un petit récital à sa façon pour le public de forts des halles et de marchandes de poireaux qui fréquentaient l'endroit.

L'intérieur de la Esquina Carlos Gardel, tel que je l'ai vu en 2007
Luxe tapageur et bling-bling.


La Esquina Carlos Gardel se situe à quelques centaines de mètres de la dernière maison de l'artiste, aujourd'hui transformée en musée municipal (Museo Casa Carlos Gardel) et non loin de son domicile de l'époque.
Malgré la descente de police venue saisir tout le mobilier et le matériel de valeur qu'il y avait à saisir dans l'établissement après son dépôt de bilan, le site Internet continue à fonctionner comme si de rien n'était.
La Esquina Carlos Gardel avait été fondée il y a dix-sept ans par la danseuse Dolores de Amo (excellente) et son mari, Juan Fabbri, l'un des mandarins du tango à touristes dans la capitale argentine (il possède ou du moins possédait plusieurs établissements du même standing, qui servent aux touristes une nourriture chichiteuse et insipide et de prétentieux spectacles à paillettes sans rapport avec la réalité du tango de l'homme de la rue à des prix astronomiques). Le couple avait, dit La Prensa, spéculé sur la chute du peso et espérait que le change avantageux pour les détenteurs de devises fortes (dollar, euro, yen) allait attirer un flot de touristes pleins de sous (1). Ils tomberaient donc victimes de leur stratégie cynique autant que de l'effondrement économique général du pays. La Esquina Carlos Gardel était aussi un lieu où des artistes talentueux trouvaient du travail et des cachets confortables, qui leur permettaient ensuite et ailleurs de se consacrer à leur art véritable, beaucoup moins rémunérateur mais tellement plus authentique. L'établissement faisait aussi travailler du personnel de salle et de cuisine, des costumiers et des décorateurs, des machinistes, des techniciens du son et de la lumière et des fournisseurs.
L'homme d'affaires avait aussi lancé la chaîne de télévision Solo Tango, où des gens de qualité comme Nolo Correa et Gabriel Soria produisaient et animaient de remarquables émissions. Elle est passée maintenant en d'autres mains. Il y a environ cinq ans, il s'était associé à un businessman à la réputation sulfureuse pour divers projets à l'étranger, à Londres, à New York et à Chicago, mais là encore, il a bu la tasse. Un empire des plus ambigus est sans doute en train de s'effondrer. Il n'est pas dit que Juan Fabbri ne s'en relèvera pas !
Pour aller plus loin : lire l'article de La Prensa.
(1) En fait, la crise économique de l'Argentine n'a pas boosté le tourisme. Les touristes ne se sont pas précipité sur la destination. Il faut dire que le gouvernement s'y prend comme un manche pour la développer, quand il tâche de développer quoi que ce soit dans le secteur, et cette contre-productivité n'est pas le propre de cette majorité. La politique touristique était tout aussi inefficace sous les Kirchner.