Critique d’Un amour exemplaire, d’après la bande dessinée de Florence Cestac et Daniel Pennac, vu le 26 octobre 2018 au Théâtre du Rond-Point
Avec Florence Cestac, Marie-Elisabeth Cornet, Pako Ioffredo, Laurent Natrella, et Daniel Pennac, dans une mise en scène de Clara Bauer
J’étais plutôt enthousiaste lorsque le spectacle a été présenté en juin, sur la scène du Théâtre du Rond-Point. Adapter sur scène une bande-dessinée, c’est un pari qu’avait déjà mené avec brio Maïa Sandoz en montant Zaï Zaï Zaï Zaï avec Paul Moulin, mais l’adaptation était alors purement théâtrale. Ici, on garde un pied dans le dessin, puisque le dispositif inclue la dessinatrice sur scène : en effet, Florence Cestac accompagne l’histoire en dessinant sur des planches projetées en fond de scène. Je n’avais encore jamais vu ça, et ça me plaisait bien.
Un amour exemplaire, c’est l’histoire de Jean et Germaine, un couple que Daniel Pennac a réellement connu et, semble-t-il, un peu accompagné entre ses 8 et ses 23 ans. Un couple comme il en existe peu, vivant presque hors du monde, se fichant des conventions sociales, vivant d’amour, d’eau fraîche et de littérature dans une petite maison reculée. Un couple fascinant, pour le petit Daniel d’alors mais également pour le spectateur, qui aurait sans doute beaucoup à apprendre d’eux.
Les premières minutes m’emballent : le dessin accompagne bien la narration initiale de Daniel Pennac. Mais je ne m’attendais pas à ce que cela dure autant. Si cela fonctionne en guise d’introduction, le dispositif atteint vite ses limites : les dessins de Florence Cestac ralentissent le spectacle. Il faut trouver à meubler. Alors la musique comble ces longs moments. Et puis on « triche » : les planches sont déjà préparées, le dessin n’est plus en live. Évidemment, j’en viens à me poser la question : dans ce cas, la présence de Florence Cestac sur scène est-elle essentielle ? Et le dispositif en lui-même, qu’apporte-t-il, si ce n’est de rappeler que l’oeuvre est adaptée d’une bande-dessinée ?
D’autres interrogations accompagnent ces premiers éclats : pourquoi Daniel Pennac ne lit-il pas son histoire, tout simplement ? Autour de lui, les deux comédiens sont des pantins qui n’ont pas grand chose à jouer – c’est dommage, quand on a demandé à Laurent Natrella de participer ! – et qui sont réduits à utiliser le théâtre dans le théâtre pour augmenter leur partition. C’est dommage. L’histoire peine à avancer, je m’ennuie un peu. Je regarde ma montre ; je sais que le spectacle n’est pas très long, ça me rassure.
Et puis, je ne sais pas, quelque chose prend. Le côté charmant de la chose reprend le dessus. C’est un spectacle qui, à l’image de son histoire, prend son temps. Et ce serait mentir de dire qu’on ne prend pas plaisir à écouter les histoires de Daniel Pennac. Il a l’art de conter, et les personnages qui peu à peu prennent vie sur scène dégagent un bonheur communicatif. Ils ont l’air de planner, moi aussi. L’annonce de leur mort n’a rien de triste. Le temps du spectacle, j’essaie de partager leur vision altruiste de la vie et de l’amour. Je ne sais pas ce qu’il m’en restera, mais tant que je suis ici, avec eux, j’essaie de me débarrasser de mes questions et de profiter de leur compagnie. Finalement, on est bien, ici.
Simple et beau. Parfois un peu lent. Un peu comme la vie.
© Giovanni Cittadini Cesi