Les 90 ans de Gerhard Wolf
Ce samedi 20 octobre, plus de cent quarante personnes étaient réunies à Berlin pour témoigner à Gerhard Wolf leur admiration et leur amitié à l'occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire. Famille, amis, écrivains, artistes, éditeurs, d'Allemagne, de France, d'Italie et d'ailleurs. Mari de Christa Wolf, Gerhard fut son précieux et attentif soutien, comme en témoignent de nombreux écrits de la romancière, par exemple Un jour dans l'année (Fayard) ou Lire écrire vivre (Christian Bourgois). Les écrits de Gerhard Wolf sont par contre moins connus hors d'Allemagne, alors qu'il a joué un rôle considérable dans les domaines de la poésie et des arts. D'abord journaliste littéraire à la radio de la RDA puis lecteur dans différentes maisons d'édition, il est l'auteur de plusieurs livres consacrés à des poètes allemands, notamment Hölderlin et Bobrowski. En 1976 il fut, avec Christa, l'un des auteurs de la pétition protestant contre la décision des dirigeants de la RDA de priver le chansonnier Wolf Biermann der ses droits civiques. Ce qui lui valut d'être exclu du parti SED. En 1988 il créa aux éditions est-allemandes Aufbau une collection de poésie intitulée Ausser der Reihe, où il publia de nouveaux auteurs encore marginaux avant de fonder en 1990 sa propre maison d'édition, Janus press.
Christa et Gerhard Wolf ont publié ensemble des essais sur les écrivains romantiques allemands. Et c'est également avec Christa qu'il écrivit le scénario du film Till Eulenspiegel. Au cinéma encore, le plus grand réalisateur est allemand, Konrad Wolf (sans lien de parenté avec Christa et Gerhard) l'associa à l'écriture du scénario du film Ich war neunzehn (J'avais dix-neuf ans). Gerhard a également publié, parfois avec Christa, de nombreux essais sur des peintres contemporains. Dans quelques semaines va d'ailleurs paraître un livre rassemblant, avec de nombreuses reproductions, la correspondance de Christa et Gerhard Wolf avec le peintre Carlfriedrich Claus (1930-1998). Cet artiste avant-gardiste qui s'intéresse tout particulièrement aux zones situées à la marge de la langue, aussi bien orale qu'écrite, était déjà connu à l'Ouest quand il commença à être exposé dans son pays, en RDA, au milieu des années soixante-dix. Lors de cette fête d'anniversaire, les éditions Radius de Stuttgart ont présenté le livre de Gerhard Wolf qui venait des sortir des presses : Im deutschen Dichtergarten - Lyrik zwischen Mutter Natur und Vater Staat (Dans le jardin allemand des poètes – Poésie entre mère nature et père État). Précédé d'un essai de Friedrich Dieckmann, ce volume de 450 pages rassemble des études écrites par Gerhard Wolf au cours de cinq décennies consacrées à des poètes de la RDA et notamment Erich Arendt, Stephan Hermlin, Günter Kunert, Karl Mickel, Elke Erb, Sarah Kirsch et Volker Braun.
La poète Róža Domašcyna était parmi les nombreux écrivains présents à cette fête d'anniversaire. Lorsqu'en 1990 Gerhard Wolf créa sa propre maison d'édition, Janus Press, il s'attacha à faire connaître des poètes des nouvelles générations est-allemandes, parmi lesquels Róža Domašcyna, qui écrit en sorabe (langue d'une minorité slave en RDA) et en allemand. Il n'existe malheureusement pas encore de livre d'elle en traduction française, alors qu'elle a reçu en 2003 le Prix Evelyne Encelot. Il y a quelques jours, c'est le Prix littéraire de la Saxe qui lui fut décerné.
Alain Lance