Kathédrali (Andersen)
Andersen édition, 2018
Préface d’Olivier Larizza.
100 p., 9,90 €.
www.andersen-editions.com
C’est à un monument qu’il connaît par cœur que Jean-Paul Klée consacre sa dernière œuvre, à savoir la cathédrale de Strasbourg, sa ville. Tapisserie de 688 vers. « Le Kathédrali », comme il dit, cristallise et synthétise toute la poésie de Jean-Paul Klée. D’abord le monument, la falaise, prend sous sa plume une envergure de merveille du monde. Avec ses 600 ans, elle représente dans l’imaginaire de l’auteur la traversée de l’histoire, agrégeant à la fois faits véridiques et légendes revisitées par le poète, évoquant aussi bien Luther que Belzébuth. La flèche, la rosace, les vitraux, le bourdon …voici toute la fonderie qui d’un seul / coup bramapoutra… Vient se confronter à cet exercice d’admiration sa propre vie. Jean-Paul Klée a toujours été attiré par Notre-Dame de Strasbourg. C’est à son ombre qu’il écrit, aux terrasses des cafés. Voici k’assis encore devant le / MONSTRE pierreux j’attrape les lubies que le / monument prodi- / gieux va en moi soulever !... Il n’hésite pas à se mettre en perspective, et c’est la cathédrale qui s’adresse à lui ah ce ji : pé : / kah quel curieux zozo il n’y en avait / pas deux comme lui !... N’a-t-il pas l’ambition secrète de ne faire qu’un avec la cathédrale, Si dans un coin du Kathé- / drali on pouvait m’encaisser, m’emmu- / rer m’encaker, m’empierrer à jam- / ais, ne dirais-je pas « non »… Mettant en rapport l’âge canonique de l’église et sa propre histoire humaine, il se qualifie de filateur de l’infini. Difficile de faire rivaliser une œuvre écrite et un bâtiment de pierre énorme et grandiose, c’est ce que réussit un poète génial et fabuleux.
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Quodlibets
L’Amourier, 2018
144 p., 15 €.
Sur le site de l’éditeur
Le titre d’origine musicale correspond bien à composition aléatoire du recueil. Ce nouveau livre de Daniel Biga est fait de pages qui se succèdent sans autre raison, si ce n’est chronologiquement peut-être, avec comme unité le plaisir d’écrire, sur tous les sujets, dans tous les sens. Les considérations très diverses sont souvent introduites par une citation ou une référence, avec un empan très ouvert de Montaigne aux auteurs d’haïku. Mais la raison de l’écrire apparaissant (ou pas), c’est surtout le jeu sur les mots qui devient l’objet du texte. Chaque mot est interrogé sur sa forme et sa sonorité, avec graphie différente, répétition de syllabes : chichipopolatas… assonances et surtout allitérations Un fantôme femme frêle frôle une fenêtre éclairée… goût des listes pour les plantes, les animaux, les métiers… La jubilation, presque juvénile, de l’auteur est perceptible. Daniel Biga, Niçois, aime utiliser les langues, français, nissart, italien, anglais… ce qui accentue ce feu d’artifices permanent du langage. Les sujets sont liés parfois à l’âge : les gens disparus, les maladies, l’expérience du temps aujourd’hui (c’est-à-dire hier) / hier (est-ce à dire aujourd’hui ?) / demain (est-ce à dire chaque jour ?)… ou philosophique. Souvenirs, anecdotes, observations, conversations, réflexions… dans dix ans 50% des américains seront obèses alors que 50% des africains seront squelettiques… La troisième partie « Valve mitrale » a déjà été publiée en revue dans une autre graphie. Daniel Biga continue avec entrain et persévérance son chemin d’écriture, ce qui est une bonne nouvelle pour la poésie.
Jacques Morin