L’oppression et le vide autour de cet espace
quand, l’auto arrêtée sur la route, l’armée
examine sa marque et sa plaque et, tandis qu’à la vitre
un soldat se penche, tu en aperçois d’autres
sur la colline au-delà, qui observent
derrière leurs mitrailleuses pointées sur toi
et tout est pure interrogation
jusqu’à ce qu’un fusil bouge et que tu avances
accélérant avec prudence et détachement –
un peu plus vide, plus épuisé, comme toujours
par ce frissonnement de l’être,
soumis pourtant, et docile.
Et tu conduis vers la frontière de l’écriture
où tout recommence. Les mitrailleuses sur leurs trépieds ;
le sergent qui répète au talkie-walkie
ton état-civil, attendant le braillement
qui te libérera ; et le tireur d’élite
qui te vise depuis le soleil comme un faucon.
Et soudain tu es au-delà, suspect mais libre,
comme ayant gagné au travers d’une cascade
le sombre courant d’une route asphaltée,
passant les voitures blindées, fuyant entre
les soldat postés qui affluent et refluent
pareils à l’ombre des arbres sur la vitre luisante.
Seamus HEANEY (1939-2013), La lanterne de l’aubépine, traduit de l’anglais (Irlande) par Gérard Cartier, Le Temps des cerises, 1996
Balade irlandaise – en poésie aussi