J’ai lu ce livre quand il est sorti début 2018. Ce sont 15 entretiens menés par Paula Singer (un pseudo, selon ses dires). J’aime le genre « entretien » et ma curiosité est toujours en alerte devant Maxime-Olivier Moutier, cet être tellement confortable dans son unicité.
Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais ce livre a fait une mini tempête dans les médias autour du mois de février 2018. Je vais utiliser la fameuse expression « une tempête dans un verre d’eau ». Des journalistes aguerris se prenaient la tête : « Est-ce que Paula Singer est vraie ou fictive ? ». Autrement dit, est-ce que l’étudiante qui a initié les entrevues, accompagnée d’une autre étudiante, Sophie Galarneau sont de pures inventions issues du cerveau désordonné et égocentrique de Moutier ? Je n’avais jamais vu des intervenants du domaine littéraire s’arrêter à cette question bêbête : vrai ou faux ? Depuis quand c’est important de départager le vrai du faux en littérature ! J’ai eu beau chercher, même après ma lecture, la question du siècle perdure : pourquoi diable avoir tant accroché sur le vrai ou faux !
Le livre est généreux, parce que Moutier l’a été. Il a répondu à toutes les questions de ces jeunes dames. J’ai certainement appris à mieux le connaître et je n’ai pas été déçue une miette du personnage. Je dis « personnage », au lieu de personne parce que Maxime Olivier Moutier est si particulier, si poussé comme être humain, que j’ai tendance à le prendre pour un personnage. D’ailleurs, se prend-il pour tel ? C’est intéressant de se poser la question. Ses affirmations sur le féminisme ou n’importe laquelle des énormités qu’il énonce, dans un semblant d’indifférence, ne me font pas frémir. Je prends toujours ce qu’il dit avec un grain de sel. Il a besoin de vérifier la vérité en la retournant de tous les côtés pour en apercevoir les aspérités. Il la tient loin de lui, ce qui lui confère du recul, générateur de plein de déductions. Il ne faut donc pas prendre ce qu’il dit au pied de la lettre. Il explore. Il analyse.
Les entretiens auraient pu être banals, car les questions l’étaient. Cela a tombé sur la bonne personne, car rien n’est banal avec M.O.M., ni son enfance, ni ses métiers, ni ses études, ni ses opinions. Qui connaît un peu le pouvoir de la psychanalyse a une idée du fonctionnement d’une personne comme lui. Il s’analyse au fur et à mesure qu’il vit. Une psychanalyse, ça ne se complète jamais, tant qu’il y a de la vie, il y a de la matière à analyser. C’est la science de l’étude de soi, de cette relation subtile et laborieuse entre le conscient et l’inconscient.
Si vous êtes curieux de la psychanalyse, allez-y allègrement, lisez L’inextinguible et si vous êtes curieux tout court, lisez ce bouquin qui ne se compare à aucun autre. Peut-être trouverez-vous pourquoi, il faut autant détecter si l’intervieweuse est fictive ou non ! Vous vous en sortirez avec une meilleure connaissance de la psychanalyse, et pas seulement parce que l’interviewé est psychanalyste, plus parce qu’une passion l’allume. Il est convaincu du bienfait de l’analyse sur une personne. Il fait allusion à plusieurs reprises à Lacan, un pair de Freud, si j'ai bien compris. Ça a piqué ma curiosité et j’ai trouvé ceci : Quel est le but de la psychanalyse lacanienne ? Cerner l’origine de nos névroses grâce à la parole et au décodage de notre inconscient. Sa spécificité ? Des séances à durée variable.
Bref, Maxime-Olivier Moutier est le serviteur royal de la polémique. Il y croit énormément car, selon lui, elle sert : « à se rappeler que nous ne possédons jamais la vérité et que nous nous trompons tout le temps ». J’aime cette humilité. Ça va le changer, lui qui se fait continuellement traiter d’imbu de lui-même ! J’aime les gens qui questionnent sans cesse leurs réponses, et Moutier est de cet acabit.
J’ai moi aussi réalisée combien je suis unique (sans prétention !), en prenant possession de ce « 352 pages ». Contrairement aux critiques, j’ai aimé les notes post-entrevues de Paula Singer et ses disdascalies. Les précisions étaient consignées en limpides phrases brillantes de banalités, mon esprit n’avait plus d’autre choix que d’atterrir tout en douceur de son vol plané. En plus, elles m’intriguaient ces étudiantes. Je les trouvais plus mystérieuses que l’interviewé de qui, on s’attend à tout, ce qui sert de pare-surprise.
Pour ce qui est de la fin, car une fin à la fin il y a, je la laisse en suspens. Personne n’y est resté indifférent, et moi non plus. Pour garder un peu du suspense, je parlerais d’une cerise sur le sundae de tout bon voyeur qu’est le lecteur.
L'Inextinguible - Entretiens avec Maxime-Olivier Moutier
Initiés par Paula Singer
Collection Hamac
2018 - 352 pages