599ème semaine politique:

Publié le 27 octobre 2018 par Juan

 

Où l'on parle des attaques contre l'opposition, de la réincarnation de Nicolas Sarkozy, de la guerre des classes et du krach boursier à venir.


Fête à Méluche (suite)
 Remy Heitz est nommé procureur de la République de Paris. C'était le choix de Macron. Au moins, c'est clair.
C'est un autre procureur, Christophe Perruaux, nommé en janvier dernier par Emmanuel Macron, qui a ordonné la quinzaine de perquisitions parmi les responsables de la France insoumise. Au moins, là aussi, c'est clair. Mélenchon parle de complot élyséen.
La chasse au Mélenchon se poursuit mais s'affaiblit. Cent policiers pour 15 perquisitions simultanées, et un ragot intime balancé par Mediapart sur Mélenchon et Chikirou, et puis... plus grand chose. Ou plutôt, la riposte.
Coup sur coup, coup après coup, le leader de la France insoumise réplique, défend et use de sa protection parlementaire. N'importe qui d'autre que lui, dans cette Macronista sur-fliquée, aurait fini en garde-à-vue, sans avocat. Mélenchon est protégé dans sa parole par son statut. Il y a quelques journalistes de l'Editocratie pour oser se demander publiquement s'il est bien normal et citoyen de contester la force publique quand on se sent injustement agressé.
La France politique est fatiguée et fatigante.
Mélenchon a hurlé une indignation partagée devant la disproportion du dispositif policier et les fausses accusations. Il a nié, l'a répété sur les réseaux sociaux. Il l'a écrit précieusement, précisément. Trois jours plus tard, voici Sophia Chikirou, "celle par qui le scandale est arrivé", qui s'explique sur BFM TV. Reconnaissons à la chaîne d'information de jouer son rôle. Chikirou réplique avec une rage froide. Elle démonte les arguments qui l'accusent, un à un. Elle pointe la "gentille" misogynie (in)volontaire de ses accusateurs mâles qui la décrivent comme autoritaire. Elle fusille les agences de com du PS ou de LREM qui facturaient moins pour plus cher. Sophie Chikirou mitraille.
France inter, publie rapidement un billet expliquant que "certains faits" pourraient être "contestables". Lesquels ? Pas les ceux qui ont l'objet d’accusations les plus graves par la presse. Prudente, la radio publique attaque des arguments secondaires. Le Canard enchaîné rapporte le soulagement des concurrents à gauche qui reprennent tels quels les éléments de langage macroniste - Mélenchon serait grillé pour 2022. Puis suit l'inévitable cascade de sondages. Mélenchon "cliverait" davantage. Sa cote sondagière "dégringole".
On rigole. A l'exception de Jean-Michel Blanquer dont la "popularité" sondagière est paraît-il au beau fixe (même si dans les mêmes sondages, près de 60% des sondés ne savent pas qui il est!), l'omni-président Macron ne cesse de chuter, sondage après sondage, mais personne ne s'inquiète de 2022 pour lui. Jupiter apparaît même presque aussi plus clivant que Mélenchon, un comble !
Sarkozy réincarné
Autre affaire de financement électoral, gigantesque celle-là: Nicolas Sarkozy se pourvoie en cassation au motif qu'il manque une signature de juge sur l'un des documents d'instruction, pour éviter ou repousser un éventuel procès dans l'affaire Bygmalion. Rappelons que l'ancien monarque avait explosé du double le plafond de dépenses électorales (43 millions d'euros dépensés, contre 22 millions autorisés). "Sarkozy défend son honneur" ose justifier Rachida Dati. La République défend son argent et ses lois.
Nicolas Sarkozy n'est pas seulement cet ancien présumé délinquant qui tente de se faire passer pour un "Sage" retraité malgré la dizaine d'affaires judiciaires qui suivent (péniblement) leur cours; Sarkozy est aussi cet inspirateur quotidien de la macronista au pouvoir. 
Dernier exemple en date, voici le retour du "un fait divers, une loi". La France de l’Éducation s'échauffe - élèves, parents, professeurs et sachants s'émeuvent. Des milliers de messages utilisent le hashtag "PasDeVagues" pour rassembler des indignations contre les conditions d'enseignement dans les établissements scolaires après la publication d'une vidéo où un grand ado braque avec un flingue qui se révélera factice sa professeur, à Créteil. Le garçon écope d'une mise en examen, mais la polémique enfle, rapidement récupérée par le ministre "modèle" de l’Éducation. Quelques jours après, on apprend comme par hasard que quatre autres lycéens de 15 à 16 ans, dans la commune dont Edouard Philippe était maire avant sa nomination à Matignon en 2017, au Havre, ont été arrêtés et placés en garde à vue jeudi, au Havre, pour avoir braqué deux de leurs professeurs avec des armes factices également. Mais les faits remontent à trois semaines.
Comme au meilleur temps de Sarkofrance, le gouvernement met en scène sa "riposte": d'abord un comité gadget pour "habiller" l'action publique, en l’occurrence la réunion d'un "comité stratégique sur la protection de l'école", avec une cinquantaine d'hommes, blancs et quinquas, tous gradés de l'intérieur, photographiés pour la postérité. Puis des photos des trois ministres Blanquer (Éducation), Castaner (Intérieur) et Belloubay (Justice), le visage grave sur le perron du ministère de l'intérieur; et enfin, last but not least, cette proposition régurgitée des bas-fonds du sarkozysme sécuritaire, avec le même vocable, au mot près: "Je n'exclus pas la possibilité d'une présence physique de forces de l'ordre, à des moments de tension particulière, dans les établissements des quartiers les plus difficiles. Et je pense en particulier aux quartiers de reconquête républicaine." Les quartier de "reconquête républicaine" ont été désignés en février dernier par son prédécesseur, Gérard Collomb. Le ministère de la Sécurité a ainsi identifié 60 quartiers qui cumulent "délinquance, trafic de drogue, incivilités diverses, pauvreté, chômage, habitat dégradé, repli communautaire et radicalisation". Leur liste n'a pas été entièrement dévoilée, mais l'on cite déjà la cité des Tarterêts de Corbeil-Essonne (Essonne), Les Merisiers (Trappes, Yvelines), Le Mirail (Toulouse, Haute-Garonne), Le Neuhof et la Meinau (Strasbourg, Bas-Rhin) et La Mosson et La Paillade (Montpellier, Hérault).
L'hypocrisie
Sarkozy inspire aussi Macron dans ses diatribes européennes et son action diplomatique. L'enquête sur l'assassinat du journaliste saoudien Khasoggi progresse. Ryad a confirmé sa responsabilité directe. L'affaire embarrasse jusqu'en France. Un cliché montrant le fils adulte du journaliste assassiné contraint de serrer la main du jeune monarque saoudien est glaçant. En Europe, la chancelière Angela Merkel exige l'interruption des ventes d'armes à l'émirat islamiste. L'Allemagne est pourtant le troisième exportateurs de biens et services en Arabie Saoudite, derrière les Etats-Unis et la Chine, mais devant la France.  Merkel est soutenue par l'Autriche, puis la Slovaquie. Jupiter s'agace. Quand il est interrogé par un journaliste sur une éventuelle suspension des contrats français, alors qu'il visite justement le salon de l'armement au Bourget, il s'agace encore davantage, et contre tous les médias: "Mon agenda n'est pas dicté par les médias, que ça vous plaise ou non" répond-il, pète-sec. Cette agression contre les médias ne choque visiblement pas les dits-médias, plus prompts à fustiger Mélenchon. "Je suis sur un autre sujet. Ça n'a rien à voir avec le sujet qu'on est en train de traiter. Rien. Rien. Donc je n'y répondrai pas. Je regrette. Ça continuera tant que je serai à la place à laquelle je suis. Que ça plaise ou que ça déplaise."
Puis, vendredi à Bratislava, Macron renchérit: "C’est de la pure démagogie de dire “il faut arrêter de vendre des armes”, ça n’a rien à voir avec l’affaire Khashoggi." Quelle belle novlangue... l'Arabie Saoudite se sert de l'armement français pour massacrer la population civile au Yémen. Quand des ONG réclame une suspension de ces ventes d'armes pour ce motif, la Macronista répond (1) qu'elle n'est pas au courant, ou (2) que cela ne la regarde pas.
Quand l'actualité fournit un prétexte dramatique pour sauver la face et durcir le ton face à l'émir sanguinaire, Macron se couche à nouveau.
L'hypocrisie diplomatique est également manifeste en matière de politique européenne. Alors qu'il poursuit sa tournée en Europe de l'Est, et visite la République tchèqhe et sa voisine slovaque. Il "plaide pour une Europe pragmatique, unie, ambitieuse." Il dénonce le risque de l'extrême droite: "qui a gagné les élections européennes en France ? Le Front national". "Contre les dangers qui menacent l’Europe, on continue à s’engager sans relâche."
La novlangue est usée. La réalité est tenace.
Macron sert les plats de l'extrême droite en se pinçant (à peine) le nez: il fait refouler les navires humanitaires; ils accusent les aidants aux migrants d'être complices des traffics et des passeurs. Il réduit de moitié les délais de dépôts de dossier d’asile mais double la durée de rétention des réfugiés avec sa loi Asile et Immigration. La "machine à expulser" est "l'ordinaire du macronisme", relate quotidiennement le réseau RESF.
Macron défend une Europe souveraine, mais pour qui ? En France, sa présidence des riches accroit les inégalités, abime le pouvoir d'achat des Français hormis les ultra-riches, et a même fait trébucher la reprise économique en 2018. Pour le troisième trimestre cette année, le chômage progresse encore. "Donnez-lui un peu de temps", entend-on ici ou là parmi ses supporteurs avoués ou éditocrates complices. La belle affaire...
Macron va plus loin que Sarkozy, et évidemment que Hollande, dans une politique de l'offre qui échoue depuis une dizaine d'années à force de rendre beaucoup à ceux qui ont déjà beaucoup et qui thésaurisent ou placent au lieu d'investir ou de consommer. Le projet de budget 2019, qui n'est pas encore voté, est à peine meilleur (les 6 milliards de réduction d'impôts pour les ménages sont un tour de passe-passe, avec notamment 4 milliards d'impôt sur le revenu de décembre 2019 seront comptabilisés exceptionnellement en sur l'exercice suivant...), avant la réforme des retraites promise pour l'an prochain.
Cette guerre des classes a souvent la même issue, une Grande Crise, précédée d'un krach boursier.
Au niveau mondial, le spectre d'un nouveau choc avait surgit au printemps. Le dixième anniversaire de la faillite de Lehman Brothers en septembre dernier réactive les prédictions et les craintes. Quelques signes annonciateurs de l'existence d'une bulle financière prête à exploser sont là: des salaires des traders de Wall Street qui ont retrouvé leur niveau faramineux d'avant 2008; et un surendettement des États, des entreprises et des particuliers.
Face à ce krach que certains nous prédisent prochainement, Macron aura agi au préalable comme Sarko avant la Grande Crise de 2008: de manière totalement irresponsable en vidant davantage les caisses de l'Etat au profit des grandes entreprises et des foyers les plus aisés.
Ami macroniste, reste là.