… Enfin !
A la fois parce que les vacations judiciaires sont proches, et que le rythme commence déjà à s’apaiser; et, aujourd’hui, en ce moment, parce qu’il existe de très jolies journées dans mon métier, quel que soit le temps par ailleurs exécrable…
J’assistais ce matin un homme en souffrance depuis six mois, viré de chez lui par sa femme, et qui n’avait pas revu leur toute jeune fille de deux ans depuis… Contexte conflictuel absolument insupportable, bassesses en tous genres, attestations croisées toutes plus médisantes les unes que les autres, difficultés psychologiques en pagaille… Beaucoup de souffrances en tout cas, comme malheureusement si souvent dès qu’un enfant se trouve au milieu de ses adultes de parents…
C’était loin de mon port d’attache, énorme dossier de plaidoirie avec plus de cent pièces de part et d’autre, magistrat inconnu dans Palais peu connu…
Et, selon la règle qui veut que toute audience que l’on craint se passe finalement très bien, et que tout dossier que l’on craint se termine bien souvent beaucoup mieux qu’espèré, tout s’est vraiment très bien passé, par la grâce notamment d’une Juge des Affaires Familiales patiente (malgré le nombre effarant de dossiers audiencés devant elle en cette dernière audience d’avant vacations), aimable, attentive, et n’ayant que deux axes de réflexion et de discours : l’apaisement des parents et le bien de l’enfant…
Merci, Madame : entre autres décisions intelligentes et équilibrantes, il y a eu celle de permettre à ce père…
De rencontrer et héberger à nouveau sa fille, tout au long du forcément beau week-end prochain !
Et, pour moi, la chance de pouvoir virilement serrer dans mes bras un homme prequ’en larmes, et en tout cas profondément ému et joyeux…
C’est sur ce même mode joyeux que je suis rentré, pour avoir en début d’après-midi confirmation que ces journées là sont programmées pour être belles : un délibéré devait intervenir à quatorze heures devant une chambre correctionnelle de la Cour d’Appel, relatif au sort d’une jeune-femme qui était accusée, bien des années après, d’avoir spolié celle qu’elle considérait comme sa grand-mère d’une partie de ses biens, en ayant à l’époque accepté différents cadeaux et quelques remises de fonds assez minimes…
Elle avait, malgré ses dénégations et nos efforts, été reconnue coupable et condamnée en première instance, et nous avions interjeté appel de cette décision…
Qui n’existe plus depuis ce début d’après-midi, comme vient de me le confirmer celui de mes confrères qui avait bien voulu entendre pour moi la décision de la Cour : relaxée..!
Ce sont des moments où, après que ledit confrère vous ait félicité comme il se doit, vous reposez le téléphone, et demeurez là, à sourire comme un benêt dans le vide en repensant aux six années d’efforts effectués dans ce “dossier”, et où vous êtes heureux, juste cinq minutes entières rien que pour vous…
Puis appelez la jeune-femme concernée, et, pour le plaisir, alors qu’elle décroche d’impatience avide avant la fin de la première sonnerie, la faites lanterner un peu, pour sourire puisqu’on le peut enfin, en prenant une voix déçue et sépulcrale, avant évidemment très vite de lui annoncer que c’est fini, qu’elle n’est plus condamnée, qu’elle n’est plus coupable de rien, qu’elle est libre dans tous les sens du terme…
Et elle pleure, et on rit, et c’est à nouveau une bonne grosse vague de joie pure qui vous tombe sur le crâne…
Je fais un joli métier, c’est une jolie journée, et, définitivement… Il fait beau !