Madame, vous la connaissez sans le savoir ! Des moustaches rouges ou de grands collages papiers ornent régulièrement les murs de Paris… Mais aussi en Province où elle se rend pour de grandes réalisations murales. Mais qui se cache derrière cette moustache ?
Pourquoi avoir choisi comme nom d’artiste Madame ?
Ce nom m’est venu au tout début lorsque je bossais encore avec Sword (Johann Bouché-Pillon). Il y a quatre ans de cela, je le suivais dans ses pérégrinations nocturnes pour le photographier et il m’a progressivement proposé de coller aussi certaines pièces que je faisais et qu’il avait vu trainer chez moi. De petits collages alors assez simples. Au moment de les coller, la question du nom à y apposer s’est posée et, sans même réfléchir, j’ai fabriqué assez maladroitement un pochoir estampillé Madame (dont je me sers toujours d’ailleurs). Je ne sais pas, je trouvais ça simple et propre. Efficace en quelque sorte. Je trouvais ça obsolète et clinquant à la fois et ça faisait pas mal référence à des moments clefs de mon enfance et de mon adolescence. C’était logique.
Plus qu’une pratique de rue je crois que c’est une démarche globale qui trouve sa finalité, son aboutissement, dans la rue. Je construis à partir de vieux documents divers (publicité, vieux ouvrages, magazines, tissus, gravures) de nouvelles images en les redécoupant. J’essaie en quelque sorte de faire dire de nouvelles choses à des images et à de l’iconographie ancienne. Un peu comme si ces vieilles images pouvaient reprendre vie à notre époque. Ces collages une fois constitués sont scannés puis imprimés en grands formats pour être apposés dans la rue. Ces images sont toujours constituées d’une image et d’un texte qui dialoguent mais ne sont jamais l’illustration l’un de l’autre. C’est ce que j’appelle des images à tiroir, avec une lecture multiple possible. Je ne montre pas, ni n’oriente dans une quelconque interprétation. Je tente juste de proposer une porte ouverte sur autre chose que ce que l’on voit, et c’est pour ça qu’il me semble logique et important de coller ces pièces, une fois abouties, dans la rue. C’est là qu’elles y trouvent tout leur sens. C’est un parcours de la sphère intime à celle publique, multiple et anonyme.
Quelles sont les thématiques que tu affectionnes le plus ?
De manière assez flagrante la thématique du genre me tient beaucoup à cœur, et tout ce qui en découle. J’aime à interroger cette notion et finalement l’importance de celle-ci. Mais au travers de cette thématique « fil rouge », je travaille beaucoup sur les notions de frontière, de transgression, de jeu et bien évidemment d’amour, heureux ou pas.
Pourquoi ajouter une moustache à ta signature ?
Cette moustache a débarqué sous le « madame » au moment de la création de mon pochoir, encore une fois comme une évidence. Une sorte de pied de nez aux détracteurs de ma féminité adolescente ou un clin d’œil à la bande de mecs que je fréquente quotidiennement, sans doute un peu des deux. Mais c’est aussi en rapport aux thèmes que j’aborde dans mes pièces.
As-tu d’autres pratiques artistiques en atelier ou ailleurs ?
J’ai pratiqué le théâtre durant 10 ans (dont 8 de manière professionnelle) et j’ai également été scénographe. A vrai dire, je crois que mes pratiques et la curiosité que j’ai s’accroissent surtout dernièrement : je pense chaque jour à de nouvelles choses à tester, il ne me manque que le temps et un poil d’espace. Je crois qu’il est hyper important de s’essayer à de nouvelles choses pour se renouveler et pour surprendre. Les artistes que j’aime le plus sont ceux qui sont toujours là où je ne les attends pas. C’est tellement beau la surprise. Dans l’art comme ailleurs.
La rue est-elle importante dans ta manière d’appréhender ton art ?
Elle est essentielle. Même si dernièrement j’ai eu pas mal de projets et que j’ai moins collé dans la rue, c’est toujours une partie intégrante de ma démarche. Toutes les pièces que je crée sont collées dans la rue et ne sont jamais exposées si elles n’ont pas été collées préalablement. Puis c’est avant tout pour rencontrer et échanger que je fais tout ca, alors quel autre meilleur lieu pour le faire que la rue ?
La plus marquante et la plus durable est celle avec Fred Le Chevalier qui, après avoir vu mon travail dans la rue, m’a contactée et avec qui je travaille régulièrement mais qui est aussi et avant tout devenu un ami. Celle aussi sans doute avec Nicolas Villa (graffeur, graffiste, peintre italien de Gênes) avec qui j’aime travailler et auprès duquel j’apprends beaucoup techniquement. Sinon toutes les collabs ainsi que les rencontres que j’ai pu faire dans ce milieu depuis mes débuts ont été hyper marquantes et instructives aussi bien humainement qu’artistiquement.
Colles-tu dans d’autres pays ?
Oui, je colle un peu partout au gré de mes voyages, en Italie, dernièrement au Mexique, bientôt à New York. Je trouve ça hyper grisant et excitant de laisser une trace dans un ailleurs, loin de ce que l’on connaît.Puis généralement ça fait l’objet de bien chouettes rencontres. Sans compter que c’est de la matière première pour les travaux à suivre.
Peux-tu nous parler de tes prochains projets ?
(Rires)… Je suis hyper superstitieuse donc du coup j’essaie de tenir ma langue généralement mais pour survoler le sujet, je te dirais qu’il y a des voyages en préparation avec, je l’espère, des rencontres et des collabs à la clef. Une expo peut être ici ou à l’étranger, un festival en Italie et plein d’autres choses. On verra ce qui fonctionnera ou pas. Merci infiniment à toi comme à tous.
Photographies : Madame et Tarek