C’est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand (Mathieu Amalric), Marcus (Benoît Poelvoorde), Simon (Jean-Hugues Anglade), Laurent (Guillaume Canet), Thierry (Philippe Katerine) et les autres s’entraînent sous le regard de Delphine (Virginie Efira), ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée. Une idée plutôt bizarre, certes, mais un défi qui leur permettra de trouver un sens à leur vie.
Premier long-métrage solo de Gilles Lellouche en tant que réalisateur, Le Grand Bain est une comédie qui émeut paradoxalement plus qu’elle ne fait rire. A travers cette histoire plutôt loufoque, l’apprenti cinéaste dresse en effet un portrait touchant, et rempli de tendresse, d’une série de ratés complètement malmenés par la vie. Accablés par l’échec, l’alcool, la dépression ou encore la solitude, ils vont trouver dans la natation synchronisée un moyen de sortir la tête de l’eau, de combler un vide existentiel. Bien sûr, le film ne brille pas par son originalité, ni même d’ailleurs par une quelconque audace scénaristique, mais il se dégage une telle bienveillance du projet qu’il est bien difficile de ne pas y adhérer. En outre, contrairement à la multitude de comédies françaises sans intérêt qui accaparent les écrans, Le Grand Bain a aussi le mérite d’afficher une certaine ambition dans son propos. Une ambition pas démesurée, certes, mais néanmoins suffisante pour se démarquer de la masse. On appréciera ainsi tout particulièrement l’intelligence et le naturel de l’écriture, qui ne sacrifie jamais le parcours compliqué de ces hommes au profit d’un humour opportuniste et racoleur.
Si la dimension dramatique de l’histoire prend certainement plus de place qu’on aurait pu le penser au départ, la fibre comique n’est toutefois pas en reste, Lellouche s’amusant gaiement des corps disgracieux de ses acteurs. Des acteurs qui constituent, à n’en pas douter, l’une des principales forces du film. Complices, drôles et émouvants, ils s’avèrent tout bonnement taillés pour leur rôle. Tellement d’ailleurs qu’on aurait presque souhaité, après coup, les découvrir à contre-emploi. Les spectateurs les plus exigeants pourront cependant regretter, à juste titre, le traitement inégal des personnages, certains manquant cruellement de développement alors que d’autres sont littéralement omniprésents. Un défaut mineur qui n’altère, fort heureusement, jamais l’équilibre de l’ensemble. Il faut dire que le réalisateur accorde un soin minutieux à la dynamique du groupe, et plus généralement au rythme du film, ne conservant aucune scène superflue dans son montage final. Animé par une volonté palpable de bien faire, il fait montre d’une belle générosité créative, et surtout d’un réel talent pour passer en une seule et même séquence du rire à l’émotion. Le tout sans jamais basculer dans la mièvrerie.
Pour son premier passage (en solo) derrière la caméra, Gilles Lellouche signe donc une comédie dramatique plaisante, tout à la fois touchante, poétique, drôle et mélancolique. Porté par un casting de luxe plus complice que jamais, le film peut notamment s’appuyer sur la formidable générosité créative de son réalisateur pour balayer les quelques facilités dont il souffre.