Le storytelling de Jean-Luc Mélenchon a un intérêt parce qu'il illustre une réalité narrative plus large, sociétale, et ce n'est pas une bonne nouvelle.
La récente perquisition chez Jean-Luc Mélenchon et au siège de la France insoumise s'est accompagnée de hauts cris ("L'Etat, c'est moi", brandi par l'homme politique), de bousculades... On peut le voir comme du spectacle politique, du théâtre, à juste titre. La vie politique nous a habitués à ce genre d'événements anecdotiques. Mais il y a bien plus à en apprendre en termes d'histoire ambiante, sociétale, qui s'en dégage, bien au delà du cas individuel d'une personne, fût-elle une personnalité politique de premier plan.
Une histoire de la nature humaine ?L'idée de cet article m'est venue à la lecture d'un post sur Facebook, rompant avec la vague d'indignation suscitée par le comportement de l'homme politique, qui se présente comme un étendard face à l'injustice et un porte-parole des "sans-pouvoir", et qui là, prétendait ne pas avoir à se soumettre à la loi applicable à tous. L'auteur de ce post pointait qu'il n'y avait pas lieu de s'émouvoir de cette apparente contradiction : après tout, nous sommes les premiers à insulter les conducteurs qui empruntent les voies de bus, tout en étant capable d'enchaîner en brûlant nous-mêmes un feu rouge. Le comportement de Jean-Luc Mélenchon ne serait donc qu'une illustration bien banale de la nature contrastée, contradictoire plutôt, qui caractérise la complexité des êtres humains.
Une histoire sociétale pas très reluisanteEst-ce vraiment une illustration de la nature humaine, de son imperfection qui fait partie de sa nature ?
Ok, l'être humain est imparfait et faillible. Mais là, on est à un stade au dessus, lorsqu'on argue de cette conformité à notre nature. On en est à un niveau où l'imperfection est un alibi pour nous délier de tout engagement. Je ne parle pas de Jean-Luc Mélenchon : il n'a pas encore eu l'occasion de montrer s'il tiendrait ou non ses engagements, et ne l'aura peut-être jamais. Je parle des justifications de son comportement comme celles que j'ai pu remarquer sur Facebook : cette histoire sociétale, ce storytelling sociétal qui nous dit que nous pouvons être en même temps tout et son contraire absolu, en permanence, en changeant instantanément de posture, en étant capable de revenir en arrière puis de changer à nouveau voire de bifurquer dans une direction autre. Ce n'est pas de l'agilité, c'est de l'absence de fiabilité. Puisque je peux être à la fois 100% blanc et 100% noir, changer d'avis à tout moment, inutile de me faire confiance, de compter sur moi. Je signifie ainsi que seul mon intérêt et mon bon plaisir personnels comptent, sans aucune considération pour les autres.
Présenter le comportement de Jean-Luc Mélenchon comme normal, c'est donc chercher dans cet épisode de la vie politique un alibi pour justifier une histoire sociétale qui nous permet d'être dans la non-implication permanente. C'est un comble que la politique qui se définit par nature comme un engagement soit utilisée comme excuse au non-engagement !
Pour essayer de s'engager dans une plus belle histoire