« Alors, ça te fait quoi d’avoir trente ans ? »

Publié le 24 octobre 2018 par Lespulpeuses

*Driiiiiiing*, il sonne, ça y est, le réveil des trente ans. Déjà plus d’un quart de siècle que tu respires, vis et construis ton histoire. Des tas de choses sont arrivées et vont arrivées, Lauriane, jeune trentenaire, te raconte comment elle a vécu cette nouvelle dizaine dans sa vie. Pour elle, comme pour d’autres femmes de son entourage, avoir trente ans a été comme une révélation de leurs envies et de leurs choix.

« Alors, ça te fait quoi d’avoir trente ans ? »

Native de février, j’ai été l’une des premières à entendre cette question parmi mes amis. Question à laquelle jusqu’ici je ne savais pas vraiment quoi répondre, prise dans le flux du quotidien. Un quotidien basique, un boulot dans le paramédical français en souffrance et pour lequel les combats sont vains et non menés ; une vie perso posée, que tout le monde semble apprécier ; un train-train basique, presque lassant.

Et puis voilà, j’ai eu trente ans. Et avec eux, une prise de conscience. Déjà trente ans ? Ou enfin trente ans ?

La limite entre les deux me paraît aujourd’hui très nette, pourtant sur le moment, j’étais d’un côté et de l’autre en même temps. J’ai, à l’aube de ces trente ans, finit par réaliser. Réaliser combien j’étais  prisonnière du regard des autres sur moi, prisonnière du regard et des codes de la société.

J’ai alors ouvert les yeux à temps, et pris un virage à 180 degrés, non sans honte. J’ai envoyé valser un mariage que j’avais préparé seule jusque-là, et qui arrivait quelques semaines plus tard. Je me suis trouvée un coin où j’allais aimer vivre, j’ai changé mon quotidien, et jeté tout ce qui me pesait. J’ai coupé mes cheveux, que j’avais laissés pousser pour la cérémonie, pour en faire don à une association qui fait des perruques pour les personnes atteintes de cancer. J’ai changé de travail, pour des conditions un peu moins lourdes (bien que dans le secteur public, ce soit relatif). Et je me suis éveillée au lâcher prise grâce à l’hypnose, ma reconversion professionnelle que j’ai entamée tranquillement.

Et puis voilà, j’ai eu trente ans. Et avec eux, une prise de conscience.

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J’ai pris aussi de bonnes résolutions. Pas de ces résolutions de 1er janvier qu’on ne tient pas. Non, de celles qu’on tient parce qu’elles nous viennent des tripes. Avec en tête de liste, celle de partager la bienveillance et la positivité. Ainsi, je mets à exécution d’être contagieuse dans mes sourires et mes expressions, et finalement on se laisse facilement prendre au jeu. En semant la bienveillance, elle finit par pousser là où on ne l’attend pas.

Et les gens qui me croisent et que je n’ai pas vus depuis quelques temps me le font remarquer, « mais, ça a l’air d’aller bien dis-moi ». Pourquoi serait-ce le contraire ?

J’ai dérogé aux règles de société qui pèsent sur nous à longueur de temps. Pendant longtemps, voire depuis toujours, on a attendu de moi que j’aie un travail respectable, que je sois stable, que je sois heureuse, que je trouve quelqu’un de bien et que, comme les autres, je me marie. On a attendu de moi que je sois svelte, musclée et intelligente, que je me démarque d’une quelconque manière. On a attendu de moi que j’aie des enfants, parce que le Bonheur, m’a-t-on dit, c’est d’être mariée et d’avoir des enfants.

Et si moi, je ne veux pas de tout ça ?

Si moi, je veux être heureuse sans mariage, et vivre ici et là, parcourir le monde plutôt que de le découvrir sur Arte ? Si mon bonheur à moi, c’est de croire en ces choses qui paraissent fantasques ? Si mon bonheur à moi, c’est de ne pas avoir d’enfants ?

Qui a le droit de me dicter MES codes ?

Et si moi, je veux parcourir le monde plutôt que de le découvrir sur Arte ?

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J’ai donc entrepris cette espèce de reprogrammation positive personnelle

Je me suis remise à rêver, chose que j’avais arrêtée de faire avec la vie maritale qui se pointait au loin pour moi. Et un après-midi entre filles, j’ai fait délier les langues.

Elles ont eu trente ans les unes après les autres. Déjà trente ans, ou enfin trente ans, selon. Je les ai laissées me raconter leurs vies, et en fin de compte, il en est ressorti que pour elles aussi, leurs trente ans les avaient révélées. Révélées, réveillées, à la vie qui leur échappait, aux choix sous pression, aux regards et aux remarques subis quotidiennement. Et quand est-ce que tu vas te stabiliser ? Et quand est-ce que tu vas te marier ? Trente ans ! Mais et les enfants alors ? Mais si, tu en voudras, quand ce sera le moment, tu verras.

Alors je sème la bienveillance, j’essaie de casser les idées reçues et les codes périmés. Je sème mes graines de légèreté pour qu’autour de moi, les gens reprennent un peu de souffle. En attendant de se libérer du poids qui pèse sur chacun de nous. J’ai foi en ce raisonnement-là, à l’heure où les trentenaires virent au burn-out de trop donner à s’y perdre.

Il en est ressorti que pour elles aussi, leurs trente ans les avaient révélées.

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On parle souvent de la vingtaine, de la quarantaine, de la cinquantaine…

On en oublie la trentaine.

Je crois que la trentaine, c’est une libération. C’est un réveil à soi. C’est l’âge du lâcher-prise, celui où on peut se dire, dans le miroir, « et alors ? » ; C’est l’âge où on comprend que le temps a déjà filé un peu, où on prend le recul nécessaire pour voir si la voie empruntée est bien la bonne, si on ne se trompe pas de route, si arrivés dans quelques temps on ne sera pas là à ponctuer nos phrases de « si j’avais su… ».

J’aurais aimé savoir qu’à trente ans, je serai forte, j’aurai enfin les rênes en main, je serai suffisamment affirmée pour rire aux éclats aux remarques finalement dénuées de sens mais héritées des codes moraux. J’aurais aimé savoir que je serai apaisée en prenant des décisions qui ont semblé à mes proches être si radicales qu’elles ont délié des liens. J’aurais aimé savoir qu’enfin, je serais moi, accomplie dans des projets qui sont moi, bien dans mes baskets et ambitieuse.

Alors aux prochains trentenaires, je vous le dis : vous avez suffisamment de ressources en vous pour vous accomplir. Si votre route jusqu’ici a été tortueuse, tumultueuse, sachez qu’en vous se cachent bien des trésors. A vous de savoir finalement… Déjà trente ans ? Ou enfin trente ans ?

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