Les mots, ils sont ma main,
mes doigts, leurs empreintes,
ils gouvernent l'espace,
ils prolongent le temps,
ils veillent pour moi,
sur les contrées inexplorées
de mes poèmes à venir.
Dans les poèmes présents de Richard Rognet, des mots reviennent sous sa plume, sans doute parce qu'ils sont bien lui et qu'il les aime plus particulièrement, même s'ils ne portent pas toujours directement en eux le visage des hommes...
Il ne s'agit pas, bien sûr, de compter combien d'occurrences. Car le nombre des mots n'a pas d'importance. Ce qui importe, c'est juste leur répétition, révélatrice de ses regards, changés en reflets éblouis par la beauté du monde.
Les mésanges?
Elles soulèvent ce qui en [lui] frémit.
La nuit?
L'aube prend en main ses restes. Elle est un cri de la lumière. Et elle parle de nous.
La lumière?
Vivante, elle est un reflet de l'ombre
Les étoiles?
La beauté des étoiles dépend de l'oeil
qui les regarde, comme l'amour
dépend des caresses données.
L'amour?
Ah! L'amour, comme une main
qui éclôt sur la mienne,
comme le choc ardent d'une étreinte absolue
et comme ce martèlement du sang
qui libère des feux
jusqu'au fond des ténèbres.
Le temps presse le poète, le talonne, alors il se donne un conseil pour résister:
tu devrais ne retenir
que cet ultime amour
auquel tu dois d'être vivant.
La vie est mouvement. Il doit donc marcher plus loin que [ses] pas,
aller au-devant des secrets
qui, avec les mystères, préparent
l'évidente clarté dont a besoin la vie,
la vie qui nous possède
et possède le monde,
avec la même force têtue
que celle que forgèrent, peu à peu,
les puissants millénaires
appuyés sur le temps
et sur ce qui oeuvra,
dans l'espace, avant lui.
Francis Richard
Les frôlements infinis du monde, Richard Rognet, 152 pages, Gallimard
Pour ce livre, Richard Rognet, se verra remettre le lundi 29 octobre 2018, le Prix de Poésie 2018 décerné par La Fondation Pierrette Micheloud, lors d'une cérémonie qui aura lieu à 18 heures au Café-Théâtre Le Bourg, Rue de Bourg 51, à Lausanne (1003).