« On a souvent établi des parallèles entre la communauté juive et les communautés Sinti et Roma. Ne serait-ce que par le destin de stigmatisation, de mise au ban de la société, depuis des millénaires, jusqu’à l’idéologie nazie distinguant la race aryenne de toutes les autres races dites « inférieures » dont faisaient partie les Juifs et les Tsiganes. » Simone Veil, discours prononcé à l’occasion de la remise du prix européen des droits civiques Sinti et Roma, Berlin, Allemagne, 2010
D’octobre 1940 à mai 1946, plus de 6 500 personnes, en majorité française dont un grand nombre d’enfants, ont été internées dans plus d’une trentaine de camps pour nomades situés sur l’ensemble du territoire métropolitain. En octobre 2016, le président François Hollande, dans un discours sur le site du camp de Montreuil-Bellay, admet la responsabilité de la République dans ces moments sombres de son histoire.
Avec cette exposition-événement, le Mémorial de la Shoah propose pour la première fois un éclairage complet sur la politique menée par la France entre 1939 et 1946 envers ceux que la loi française désignait sous le terme de Nomades. Si elle fut différente de la politique allemande menée dans le reste de l’Europe envers les « Zigeuner » (Tsiganes), cette politique constitue un épisode parmi les plus dramatiques de la Seconde Guerre mondiale sur notre territoire, une page terrible dont la mémoire fut longtemps occultée.
Au-delà de l’Occupation et de la présence allemande, la persécution des nomades est une histoire française qui s’amorce au tournant du 20e siècle. Dès 1895, l’Etat opère un recensement général et un fichage de tous les « nomades, bohémiens et vagabonds ». À partir de 1912, les autorités françaises identifient les familles nomades et surveillent leurs déplacements avec la mise en place du carnet anthropométrique, du carnet collectif et du carnet forain.
Assignés à résidence, enfermés dans des camps, les nomades, hommes, femmes et enfants sont spoliés, internés dans des conditions indignes, empêchés de travailler librement, sous-alimentés et contraints aux travaux forcés. Nombre d’entre eux décèdent dans ces camps. A partir de 1943, certains internés sont déportés vers l’Allemagne dans le cadre du travail forcé. D’autres, libérés des camps français, sont raflés dans le nord de la France et déportés vers Auschwitz en 1944. L’internement des nomades se poursuit après la fin de la guerre et le dernier camp français ferme en mai 1946.
Cette histoire tragique est évoquée dans l’exposition par le biais de témoignages et photographies inédits, de documents d’archives personnels ou administratifs, qui attestent de la souffrance morale et du dénuement matériel des internés. Demandes de libération, pétitions collectives, tentatives d’évasions, actes de rébellion sont autant de manifestations de résistances et de solidarités déployées par les familles internées dans les camps
Après les expositions Le premier génocide du XXe siècle – Herero et Nama dans le sud-ouest africain allemand (1904-1908), Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman : stigmatiser, détruire, exclure et Rwanda 1994 : le génocide des Tutsi, le Mémorial de la Shoah perpétue avec L’internement des nomades, une histoire française (1940-1946) sa mission primordiale pour l’étude et la mémoire de tous les génocides.
MEMORIAL DE LA SHOAH – 17 rue Geoffroy-l’Asnier – 75004 Paris – memorialdelashoah.org
14 novembre 2018 – 17 mars 2019