Il y a des livres qui touchent, qui rendent heureux, qui donnent envie de les relire encore, de revenir quelques pages plus tôt. Le Prince à la petite tasse est de ceux-là. Emilie de Turckheim est écrivain (je vous avais d'ailleurs parlé de son dernier roman sorti en janvier ici). En cette rentrée littéraire, elle ne nous propose pas un roman, mais un récit. Le récit d'un journal qui dure neuf mois (encore neuf mois - elle avait écrit son journal de grossesse en 2015 : La Disparition du nombril) et qui nous parle de sa famille qui a accueilli un jeune Afghan, Reza, qui fuyait son pays. Emilie de Turckheim et Fabrice, son mari, ont deux enfants, Marius et Noé. Ces deux derniers ont accepté de laisser leur salle de jeu pour la transformer en chambre pour Reza. La fraternité commence là et n'en finit plus. Même si la cohabitation n'est pas simple tous les jours, elle révèle tant de choses sur la beauté de l'accueil. Il y a l'apprentissage de la langue, la compréhension de la culture, la difficulté de la distance et de l'absence de la famille dont on ne sait pas ce qu'elle est devenue, la difficulté de l'adaptation. Il y a la découverte de la poésie, l'émerveillement. Chaque moment vécu avec lui semble unique et Emilie de Turckheim nous le transmet avec beaucoup d'humilité et d'émotion.
Pour conclure, j'ai choisi, selon moi, l'un des plus beaux passages de ce récit, sur la " langue innée " des cartes :
Site des éditions Calmann-Lévy" Quand les enfants sont rentrés de l'école, nous avons joué aux cartes dans le salon, tous les quatre, sur la table en Formica rose des années cinquante. Marius a expliqué les règles du whist à Reza, en articulant chaque mot, lui qui parle d'habitude si vite et laboure les syllabes. Nous avons joué longtemps. J'ai béni les cartes et leur langue innée. Elles ont l'art tendre et pudique de rassembler des gens qui font semblant de s'intéresser au jeu, alors qu'ils ne sont là que pour la joie d'être ensemble. "