Le groupe de tango-rock dans la rue Defensa un dimanche d'août 2018
Pourtant, cette pratique de la musique est une invariante de la culture populaire de la ville depuis plusieurs siècles. Aujourd'hui, elle est usuelle tous les jours dans la rue Florida, une grande rue piétonne du centre-ville, sur les places du quartier de Palermo (Italia, Francia) et le dimanche, dans la rue Defensa et à la Feria de Mataderos Il est vrai aussi que la pratique a toujours paru détestable aux possédants et suscite parfois des plaintes de riverains mal embouchés.
A l'époque coloniale, c'était les esclaves noirs qui dansaient, jouaient et chantaient sur les parvis des églises le dimanche, avant et après la messe, qui gênaient les oreilles des commerçants bon teint qui habitaient le centre-ville. Lorsque le tango est apparu, dans les années 1880, ce sont ses petites formations de violons, de flûtes et de bandonéons qui déplaisaient au patronat local, d'autant plus que nombre de ces musiciens étaient des immigrés de fraîche date, des étrangers venus d'Italie, d'Espagne, de Grèce, de Syrie ou d'ailleurs, le contraire des immigrants que l'oligarchie aurait souhaité voir arriver dans le pays : des capitaines d'industrie allemands ou britanniques, des médecins, des architectes et des ingénieurs, qui n'ont jamais fait le voyage puisqu'ils ne manquaient ni de travail ni d'honneurs dans leur pays d'origine.
Le gouvernement actuel de Buenos Aires est de droite. Idéologiquement, il descend en droite ligne de cette élite économique qui, depuis l'époque coloniale, pense en fonction de son tiroir-caisse et de son compte en banque. Les révolutionnaires de 1810 eux-mêmes se fâchaient tout rouges devant les conceptions entièrement mercantiles de la culture, de la vie sociale et de l'éducation que formulait cette élite marchande qui avait pris la place conquise trois cents ans plus tôt par des conquistadors venus là uniquement dans le but de s'enrichir.
Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12 dans son édition d'hier.