Il existe, en France, un parti dont le but est, tout à fait officiellement, de socialiser les moyens de production et d’échange pour transformer la société capitaliste en société collectiviste. Et bien qu’en pleine agonie, ce parti peut légitimement prétendre avoir atteint son but.
Question agonie, difficile de faire plus clair, même si l’aspect éminemment rigolo des claquements de portes fait oublier la situation catastrophique du Parti Socialiste.
C’est sans le moindre pincement au cœur qu’on apprend ainsi que Marie-Noëlle Lienemann quitte le Parti Socialiste, elle qui s’y est pourtant encartée au siècle dernier alors que Led Zeppelin était encore en phase active de production de tubes (ce qui ne nous rajeunit pas). Alors qu’on n’entendait plus aucun éléphant socialiste depuis des lustres, c’est donc à l’occasion de ce départ largement médiatisé qu’on se rappelle que ce parti ne fut pas toujours cette coquille vide gérée par des tierces-couteaux et autres pièces rapportées.
J’en veux pour preuve la raison même du départ de cette militante antédiluvienne qui parvient à faire parler d’elle (et du Parti) malgré son impact nul dans la vie politique française : elle suit dans sa démarche un certain Jean-Michel Maurel qui, lui aussi, fuit le parti.
Oui. Raphaël Mhorel.
Mais si, enfin, Samuel Morèle, ce député européen dont, au-delà du cercle extrêmement réduit de ses électeurs (qui ont glissé son nom dans l’urne par défaut ou sur un malentendu), personne n’a réellement entendu parler et dont le visage rond, l’absence totale d’aspérité, de passé politique palpable, de pensée propre ou de caractéristique un tant soit peu saillante lui permet de relever le défi de passer pour un François Hollande diaphane.
En tout cas, la presse a eu bien du mal à faire ses choux gras du départ moyennement fracassant de ce brave Mohreyl dont la moelleuse inutilité laisse tout le monde violemment indifférent…
Ou presque, puisqu’Olivier Phaure, un autre poids lourd du Parti, s’est vertement exprimé à son sujet et celui de Lienemann en qualifiant la démarche entreprise de « populiste » (oh !) …
La violence de ce qui a suivi aura laissé plus d’un commentateur totalement coi ou complètement occupé à autre chose. Il faut admettre qu’Olivier Fore n’est pas non plus très connu ni médiatique, et qu’on ne s’étonnera pas d’apprendre qu’on lui demande, assez régulièrement, sa carte de membre ainsi qu’une preuve quelconque un peu solide qu’il est bien, effectivement, premier secrétaire du Parti Socialiste (Wikipedia semble confirmer prudemment).
Il faut se rendre à l’évidence : alors que Lienemann qualifie le parti de « canard sans tête », les dix-huit derniers mois ont amplement montré que le Parti Socialiste n’a plus aucune existence concrète. Absence de programme clair, de têtes d’affiches médiatiques, sa présence à l’Assemblée Nationale est parfaitement anecdotique et, par voie de conséquence, ne représente plus que des entrefilets oscillants entre le navrant et le cocasse dans les pages locales des journaux.
À tel point d’ailleurs que ses finances l’obligent à ajuster sa masse salariale, ce qui ne manque pas d’occasionner quelques retours douloureux à la réalité tangible pour certains salariés qui imaginaient que le socialisme marchait pour de vrai.
Terrible constat : ce parti qui entendait gouverner la France et prendre des décisions (notamment économiques) pour son avenir s’est avéré totalement incapable de voir venir l’échec, de provisionner quelque peu pour un éventuel retournement de situation. Pire, lorsqu’il a fallu se séparer de plusieurs dizaines de salariés, les belles valeurs du parti se sont évaporées au profit d’un pragmatisme un peu rêche sur la couenne des concernés, qui avaient bien conscience de quitter un jardin d’Eden à base d’argent public :
« Conditions de travail, salaire, avantages sociaux, le paradis socialiste, on l’avait inventé : c’était à Solférino ! »
Mais voilà, c’est fini ! Les belles paroles socialistes, les belles valeurs humanistes des dirigeants du parti se sont effilochées sur les récifs de la réalité et d’un échec électoral cataclysmique. Triste constat : il n’y avait en fin de compte pas plus de « valeurs de solidarité » que de beurre en broche…
Pour résumer, le Parti Socialiste n’est plus vraiment un parti, et comme son socialisme s’arrête très vite dès qu’on rentre dans les difficultés concrètes, c’est – mieux qu’un canard sans tête – un couteau sans manche auquel il manque la lame.
En somme, le PS est-il vraiment en train de mourir ? Réjouissons-nous, cela semble assez bien engagé en effet.
Pourquoi s’en réjouir ? Est-ce seulement souhaitable ?
Évidemment oui, tant ce débris d’un autre siècle trimballait avec lui des élites surannées, tant il a démontré avoir gangrené la vie politique française avec ses idées économiquement néfastes, ses dogmes sociétaux particulièrement délétères qui se sont infiltrés partout, jusque dans les autres partis, y compris à droite où tout libéralisme, tout combat pour la liberté se sont complètement évaporés pour laisser place au mieux à des gimmicks, au pire aux propositions parfaitement socialistes de taxations tous azimuts ou aux idées ridicules d’interventionnisme débridé.
Maintenant, il ne faut pas se leurrer. Cette mort prévisible, joyeuse et souhaitable n’en laisse pas moins un espace que la nature politique n’a pas traîné à remplir : La République En Marche, c’est l’ancien PS ripoliné à grands coups de jeunisme savamment dosé (et franchement artificiel), c’est un Parti Socialiste hors de Solférino, sans le mensonge « Socialiste » écrit en toutes lettres mais avec lui comme mur porteur.
D’ailleurs, outre une proportion (grandissante !) de vieux caciques du PS, le contingent de jeunes socialistes qui ne veulent pas de cette étiquette mais en conservent les traditions et les programmes empêche de différencier vraiment ce que fut le PS de ce qu’est LREM actuellement. Et si l’on peut éventuellement accorder à LREM de ratisser un peu plus large que le PS puisque ce nouveau parti agglutine aussi quelques globules politiques du centre, cela ne change pas la coloration générale, traversant décidément tout le spectre de rose à rouge.
La mort du PS était probablement l’occasion de faire un bilan critique du socialisme en France, et, qui sait, faire ouvrir les yeux d’une population shootée aux subventions, à la redistribution de l’argent des autres sur les méfaits qu’elles entraînent. Il n’aura jamais eu lieu ; la pantalonnade de l’élection présidentielle, soufflée par l’enfumage massif qui aboutit à l’élection de Macron, ne l’aura pas permis, laissant les politiciens français, coincés entre les populismes de plus en plus marxistes (tant à droite qu’à gauche), à asperger leur socialisme démagogique sur tout le spectre politique sans plus offrir la moindre alternative. La mort du Parti Socialiste n’est que la traduction d’une évidence : ses membres tentaient de vendre un programme qui est déjà en place et déjà appliqué. Pas étonnant que l’électorat ne suive plus.
À présent tourné vers un collectivisme tous azimuts, le pays consacre plus de 57% de son produit intérieur brut à la dépense publique. Ses impôts sont supérieurs à 53% de son PIB. L’État représente plus d’un actif sur cinq (plus de 20%), là où la moyenne dans les pays industrialisés se situe à 15%. Enfin, avec un nombre de textes de lois, règlements et décrets estimé à 520.000, la France nage dans un corpus légal de volume double de tous ses autres partenaires du G7…
Le PS est mort ou tout comme, mais pratiquement, le socialisme a pris le contrôle du pays.
Ce pays est foutu.
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