Football : l’enfant prodigue Thierry Henry de retour à Monaco
L’ancienne idole des Gunners arrive sur le banc de l’AS Monaco, son club formateur. Il devient le 7e champion du monde à embrasser la carrière d’entraîneur principal.
Retour à la maison. Huit ans après sa retraite internationale, Thierry Henry revient en France et plus précisément à Monaco, qu’il a quitté, en tant que joueur, il y a presque vingt ans. Il va y endosser, pour la première fois, le costume d’entraîneur à part entière et de premier plan. Le club monégasque a officialisé son recrutement samedi 13 octobre, avec à la clé un contrat allant jusqu’à juin 2021.
Que l’ancien champion du monde, 41 ans, ait eu envie de revenir sur le territoire national n’est pas/plus vraiment une surprise. Ses discussions, cet été, avec les Girondins de Bordeaux, qui venaient de remercier leur entraîneur, Gustavo Poyet, avaient montré qu’il était prêt à s’engager dans les « affaires » du football tricolore — les deux parties n’avaient finalement pas trouvé d’accord.
En acceptant de succéder à Monaco à Leonardo Jardim, remercié par la direction du club après un début de saison compliqué de l’équipe monégasque, Thierry Henry renoue avec la France une histoire quelque peu mouvementée, un mélange d’attraction-répulsion qui s’est conclu, au fil des années et de l’éloignement, par une espèce d’indifférence polie.
Star précoce
Star précoce de la Ligue 1, champion du monde à 20 ans et champion d’Europe deux ans plus tard, Thierry Henry a marqué l’histoire du football tricolore. Il est d’ailleurs toujours le meilleur buteur des Bleus avec 51 réalisations en 123 matchs, de 1997 à 2010.
Mais l’attaquant, qui s’est révélé sous les couleurs des Gunners d’Arsenal, où il est devenu une icône, a également subi une sorte de rupture avec son pays natal. C’était le 18 novembre 2009 : lors du barrage retour de qualification au Mondial 2010, sa main volontaire, non sifflée par l’arbitre, avait permis à l’équipe de France de se sortir du piège irlandais.
Derrière, la polémique avait été gigantesque, et Thierry Henry s’était senti abandonné et maltraité par les siens. Quand l’Argentine célèbre toujours la « main de Dieu » de Diego Maradona en quart de finale de la Coupe du monde 1986, la France a lâché, lynché presque, son buteur.
Dans une interview à « Téléfoot », son ex-coéquipier Lilian Thuram a eu l’occasion d’évoquer le ressentiment de son cadet : « Il a vraiment beaucoup souffert, car il trouvait les réactions très injustes. »
Thierry Henry se serait bien passé de cette polémique au vu du Mondial sud-africain désastreux, marqué par le célèbre épisode du bus de Knysna et de la grève des Bleus. Dans la foulée, l’enfant des Ulis (Essonne) avait pris sa retraite internationale.
Après de longues saisons dans les plus grands clubs européens à se forger un impressionnant palmarès (deux Premier League avec Arsenal en 2002 et 2004, deux Liga et une Ligue des champions avec Barcelone en 2009 et 2010), il a tenté l’aventure new-yorkaise et terminé sa carrière aux Red Bulls en Major League Soccer, entre 2010 et 2014.
Une connaissance encyclopédique du football
Mais Thierry Henry est un passionné de football, qui possède une connaissance encyclopédique et presque maladive de son sport. Déjà, pendant sa carrière, il était capable de regarder un match de Ligue 2 française et de parler de tel joueur prometteur qui évoluait en troisième division, à Laval ou à Calais.
Businessman avisé, il a monnayé son savoir en rejoignant, en tant que consultant, la chaîne britannique Skysports pour la bagatelle de 5 millions d’euros par an. Dans ce rôle, il s’est fait remarquer par ses avis tranchés, empreints d’un indéniable franc-parler. Olivier Giroud doit encore se souvenirdes propos de son prédécesseur chez les Bleus et à Arsenal, qui avait déclaré que les Gunners « manquaient d’un attaquant de classe mondiale ».
Reste que c’est la réalité des terrains qui a toujours fait envie à Thierry Henry. Avec une ambition : réussir sa reconversion en tant qu’entraîneur. C’est ainsi qu’il s’est occupé discrètement des équipes des jeunes d’Arsenal, les moins de 16 ans. Dans le même temps, il a passé ses diplômes et a décroché, en mars 2016, une licence pro UEFA, lui permettant d’entraîner une équipe au niveau européen.
Les Diables rouges pour première expérience
Alors que tout le monde attendait qu’il fasse ses grands débuts en Angleterre — on a parlé un temps de lui pour la succession de son mentor, Arsène Wenger, à Arsenal —, il a finalement accepté, à l’été 2016, un poste de… deuxième adjoint du sélectionneur espagnol de la Belgique, Roberto Martinez.
Ce poste, a priori plutôt modeste, l’a pourtant poussé à nouveau sur le devant de la scène grâce, notamment, au superbe parcours lors du Mondial 2018, en Russie, des Diables rouges, qui ont affronté les Bleus en demi-finale. A cette occasion, la France a redécouvert son ancienne idole, regrettant soudain de la voir garnir les rangs de l’adversaire.
Ce sont les Belges qui parlent le mieux du technicien Thierry Henry, muet en Russie, malgré les sollicitations des médias, à l’instar de l’attaquant Romelu Lukaku. « Depuis que je travaille avec lui, je suis devenu deux fois meilleur. Je suis avec la légende, en chair et en os, et il est en train de m’apprendre comment courir dans les espaces comme lui le faisait », raconte celui qui a terminé meilleur buteur de la Belgique avec quatre réalisations.
Et si, en France, le nom de Thierry Henry reste encore souvent associé à « réputation difficile », certains raillant un ego qui serait démesuré, l’entraîneur des Belges, Roberto Martinez, assure que son adjoint « apporte quelque chose de complètement différent et sait comment développer une mentalité collective, comment travailler en groupe pour gagner ».
Et, aujourd’hui, le joueur belge Thomas Meunier est catégorique : « Thierry est prêt pour entraîner des grandes équipes. Il connaît son métier et a acquis de l’expérience avec l’équipe nationale. »
Dans la lignée de Deschamps et de Zidane
L’intéressé va donc devenir le septième champion du monde à épouser la carrière d’entraîneur principal, après Didier Deschamps, Laurent Blanc, Lionel Charbonnier, Bernard Diomède, Zinédine Zidane et Patrick Vieira. Autant de trajectoires diverses et variées.
Thierry Henry préférerait certainement imiter les réussites de Deschamps (une Coupe du monde avec les Bleus, un titre national avec Marseille, quatre Coupe de la Ligue avec Marseille et Monaco), ou de Zidane (trois Ligues des champions, deux Supercoupes d’Europe, deux Coupes du monde des clubs et une Supercoupe d’Espagne avec le Real Madrid).
Avec Monaco, il a choisi un défi : si le club a remporté, en 2017, son premier titre de champion de France depuis celui de l’an 2000, et a accédé à une demi-finale de la Ligue des champions, cette saison, rien ne va plus.
Monaco est à la 18e place (sur 20) du championnat de Ligue 1. L’équipe n’a gagné qu’un seul match, lors de la première journée, et a ensuite enchaîné trois matchs nuls et cinq défaites, la dernière, dimanche, à domicile contre Rennes (2-1).
Au plan européen, ce n’est pas mieux : en Ligue des champions, les Monégasques ont perdu leurs deux premières rencontres de poules, contre l’Atlético de Madrid à domicile (2-1) et à Dortmund (3-0).
Thierry Henry connaît parfaitement la situation monégasque, puisqu’il n’a pas totalement perdu le contact avec son ancien club formateur : à la mi-septembre, il était présent au stade Louis-II pour voir le match contre l’Atlético de Madrid. Il avait alors échangé quelques mots avec le président Dmitri Rybolovlev.
Si le contexte a évolué depuis ses jeunes années, le nouvel entraîneur ne sera pas dépaysé au sein d’un club qui l’a vu grandir et l’a lancé vers une carrière pleine de succès. L’histoire pourrait bien bégayer.
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