Quand son PDG vante les qualités des solutions de mesure des paramètres de santé que commercialise la jeune pousse PAI Health, il en évoque les bénéfices en matière de prévention, autant pour les personnes que pour les assureurs. Il paraît tout de même de plus en plus impossible d'ignorer une facette plus sombre de ces technologies.
En l'occurrence, cette société a mis au point un indicateur, le « Personal Activity Intelligence » (PAI), reposant essentiellement sur la mesure du rythme cardiaque, dont elle promet qu'il lui permet, grâce à de puissants algorithmes d'analyse de données, d'évaluer avec précision, aujourd'hui, la probabilité de développer une maladie cardiaque et, demain peut-être, les risques de mortalité. Elle propose en outre d'accompagner les personnes désireuses d'améliorer leur santé, quelle que soit leur situation initiale.
C'est, bien sûr, cet aspect de son offre que PAI Health met en avant pour convaincre les compagnies d'assurance de l'adopter. Ses arguments sont classiques : d'une part, la sensibilisation des consommateurs aux bienfaits des activités physiques (sportives ou du quotidien) est un facteur de réduction des indemnisations (en santé ou décès), et, d'autre part, l'engagement dans un programme de suivi, plus ou moins rapproché, constitue un excellent moyen pour elles de maintenir le contact avec leurs clients au fil de la relation.
Il n'est rien à redire à ces ambitions, qui sont parfaitement alignées avec les intérêts des assurés… Mais il devient impossible de ne pas prendre en considération les dérives qu'autorisent les mêmes approches. En premier lieu, comment ne pas s'inquiéter de l'hypothèse selon laquelle les personnes déclarées en situation de risque seraient exclues de toute forme de protection sociale (et donc, dans une certaine mesure, des possibilités de s'améliorer) ou seraient placées sous une tyrannie de l'exercice obligatoire ?
L'incertitude est à la base du principe de mutualisation des risques de l'assurance, depuis ses origines. Plus il existera des moyens d'affiner les probabilités individuelles, plus ce modèle sera menacé : le jour où un algorithme pourra vous annoncer la date de votre mort (ce qui ne semble déjà plus inimaginable), vous ne pourrez plus souscrire une assurance décès (seuls les accidents pourront encore être couverts). Et les compagnies privées qui jurent qu'elles n'en arriveront jamais à de telles extrémités résisteront-elles longtemps à l'attrait financier d'une sélection des clients toujours plus précise ?