Du fait de cet interventionnisme, les banques centrales ont désormais une influence considérable sur l’ensemble de la courbe des taux d’emprunt d’Etat, tandis qu’il y a encore quelques années, cette influence était limitée aux taux courts. Le marché obligataire est donc devenu largement administré et les risques de remontée des taux semblent clairement limités dans ce contexte. Par ailleurs, bien que le resserrement monétaire soit désormais bien entamé aux Etats-Unis, la Fed a tout intérêt à conserver un dollar faible pour que l’économie américaine reste compétitive. Après une très probable quatrième hausse de taux directeurs fin 2018, les membres du FOMC pourraient donc se montrer beaucoup moins « faucons » en 2019 et n’appliquer qu’une seule hausse de taux supplémentaire, d’autant plus que l’inflation américaine reste relativement modérée. Ceci étant, ce n’est pas le message donné par le Président de la FED qui annonce 4 hausses de taux avant la fin de l’année 2019.
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Ce phénomène, qui peut sembler anodin, est en réalité fondamental et renverse un certain nombre de théories économiques sur l’inflation, qui ont toutes été développées dans des périodes où la démographie était positive dans les pays développés. Tel n’est plus le cas désormais. Le Japon devrait perdre environ un tiers de sa population d’ici 2060 environ. Un tel phénomène limite naturellement les pressions inflationnistes et limite donc la hausse des taux des banques centrales, qui ne sont pas près de remonter. Pour autant, le monde est désormais plus endetté qu’en 2008. Les dettes privées et publiques cumulées représentent 225% du PIB mondial selon le FMI, un chiffre en constante augmentation. Or, on sait que les périodes de récession surviennent généralement à cause de problématiques de surendettement, entraînant alors un grippage de la machinerie financière. Faut-il s’en inquiéter ? Pas forcément. En effet, le bilan des banques est considérablement plus solide qu’il ne l’était avant la crise de 2008. Leurs ratios de fonds propres sont nettement plus élevés qu’à cette époque. Surtout, ces établissements sont désormais débarrassés des « junk bonds » et autres produits spéculatifs qui avaient menacé leur pérennité.
Lorsqu’il est question d’endettement, un sujet d’inquiétude récurrent depuis quelques années est néanmoins le cas chinois. On sait en effet que l’économie chinoise, aussi bien publique que privée, s’est fortement endettée au cours des dernières années. Rappelons néanmoins les fondamentaux solides sur lesquels repose cette économie. D’une part, les pouvoirs publics disposent d’une marge de manœuvre importante pour intervenir face à un éventuel ralentissement économique. D’autre part, le développement des « nouvelles routes de la soie », lancé il y a environ quatre ans, est un projet massif capable de soutenir la croissance pour plusieurs années, aussi bien en Chine que dans les pays voisins. Le risque d’un accident chinois est donc aussi limité que le risque de panique bancaire. Dix ans après la chute de Lehmann Brothers, une nouvelle crise financière ne semble pas pour tout de suite, à tout le moins pour les causes qui l’ont générée il y a dix ans.
A propos de l'auteur : Bruno Colmant est directeur de la recherche chez Degroof Petercam.