Député.e.s, mettez fin aux discriminations qui touchent les personnes homosexuelles dans l'accès au don du sang !
La commission des Affaires sociales a adopté un amendement mettant fin à une discrimination subie par les homosexuel.le.s dans l’accès au don du sang. Concrètement aujourd’hui encore, une personne homosexuelle qui a eu un ou plusieurs rapports avec un individu de son sexe doit attendre douze mois avant de pouvoir donner son sang, alors même que pour les hétérosexuel.le.s, la contre-indication est de quatre mois en cas de nouveau partenaire*. Une discrimination à peine voilée qui pourrait bientôt tomber car l’amendement en question, déposé par le socialiste Hervé Saulignac, doit encore être adopté en séance publique ce jeudi 11 octobre à l’occasion de l’examen de la proposition de loi "visant à la consolidation du modèle français du don du sang."
Aucun fondement médical
Cette période d’abstinence demandée aux homosexuel.le.s est complètement disproportionnée, au vu des techniques de dépistage récemment développées. Il suffit en effet que de 10 à 12 jours, période dite de la « fenêtre silencieuse », pour que le VIH puisse être détecté dans l’organisme, 30 fois moins que ce qui est demandé aux LGBT. Conscientes de cela, l’Espagne et l’Italie dès 2001 excluaient du don du sang pour une période déterminée tous ceux et toutes celles qui avaient des comportements à risques sans distinguer ente hétéros et homos. Aucun scandale de sang contaminé n’a été relayé depuis.
Ce passage, au gré de l’arrêté du 5 avril 2016 fixant les critères de sélection des donneurs de sang, d’une exclusion à vie à une contre-indication de douze mois pour les personnes homosexuelles n’est par ailleurs que pure hypocrisie, puisque ce sont en réalité 93,8% de cette population qui est écartée du don du sang[1]. Il s’agit donc encore une fois d’une exclusion à peine masquée des personnes homosexuelles du don du sang.
Mobilisation pour la levée d’une discrimination qui ne dit pas son nom
Dès 2002 déjà, le Comité national consultatif d’éthique estimait que si « le principe de sécurité doit être un principe absolu, il ne pouvait servir à justifier un traitement discriminatoire. » Sur ma saisine et celle d’Élus locaux contre le Sida (ELCS), le 6 février 2006, la Halde considérait que « la décision d’exclusion définitive du don du sang d’une personne doit être prise sur la base des risques liés à son comportement » et, en juillet 2006, Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, demandait qu’on transforme l’interdiction faite à un groupe en une interdiction pour des comportements. Mais son administration ne suivra pas.
Députés, prenez vos responsabilités !
L’heure est aux responsabilités. Une responsabilité d’abord vis-à-vis des receveurs. Ces dernières années l’Établissement français du sang (EFS) n’a cessé de diffuser à des intervalles courtes des messages d’alerte annonçant une possible pénurie. Dans ce contexte, il est mal venu de refuser l’accès au don du sang à des personnes homosexuelles ne présentant pas de comportements à risque. Les quatre mois d’abstinence demandés aux hétérosexuel.le.s (en cas de nouveau partenaire) sont déjà bien supérieurs aux douze jours de la fenêtre silencieuse. En outre, ouvrir le don du sang à des personnes homosexuelles dans les mêmes conditions que les hétérosexuel.le.s permettrait d’accroitre de façon non-négligeable l’approvisionnement nécessaire en produits sanguins. D’après les estimations de la Direction générale de la santé (DGS), le passage d’une exclusion définitive à une contre-indication de douze mois pour les personnes homosexuelles pourrait avoir déjà permis à l’EFS de gagner trois jours d’autosuffisance supplémentaires. Imaginez ce que ce serait si l’on changeait enfin de paradigme pour prendre enfin en compte les comportements à risque plutôt que les populations à risque… des pénuries très certainement moins nombreuses !
Députés, vous avez également une responsabilité vis-à-vis des LGBT car en laissant la loi inchangée, vous acceptez d’une certaine façon que l’on présume séropositive toute une population. Et cela n’est pas sans nourrir l’homophobie qui se manifeste de plus en plus dans nos rues. Pas plus tard qu’hier, un couple homosexuel était passé à tabac dans le 19èmearrondissement de Paris.
Députés, de tous bords, le temps est venu de faire face à vos responsabilités et de mettre fin à une discrimination qui n’a que trop longtemps été admise sous couvert médical. Soyez nombreux à voter pour cet amendement de raison jeudi 11 octobre !
[1]Annie VELTER et Alice BOUYSSOU-MICHEL, « Relations stables et comportements sexuels à risques : enquête Anrs presse gay 2004 », in Sexualité, relations et prévention chez les homosexuels masculins : un nouveau rapport au risque, Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, 2007. Disponible à ce lien : < http://doc.hubsante.org/doc_num.php?explnum_id=4276>
* Pour les personnes hétérosexuelles, le monopartenariat permet de donner son sang. En cas de nouveau partenaire, il faut être abstinent pendant 4 mois.