« True Grit » semble évident, pour la quête, ici réalisée par les deux frangins, très différents mais aimants, magnifiquement interprétés par Joaquín Phénix (le perturbé et violent Charlie Sisters) et l’excellent John C. Reilly (Elie, le plus sage, caché sous une bonhommie apparente).
Si dans le précédent western de Joel et Ethan Coen, le duo principal était interprété par la jeune Hailee Steinfeld et Jeff Bridges, s’ajoutait à eux le trublion de ranger texan joue par Matt Damon. A eux trois, ils devaient retrouver une bande de brigands meurtriers, traversant de nombreux états et paysages pour cela. La trame de fond des « Frères Sisters » n'en est pas très éloignée. Même si de trio, on passe au milieu du film à un quatuor, dont les deux derniers protagonistes sont joués par l’intriguant Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed, dans un rôle de chimiste indien plutôt bien trouvé.
Cela dit, j'ai aussi pensé à l'excellente adaptation du roman de Steinbeck : « Des souris et des hommes » en suivant de près les tribulations de ces deux frères, très différents. En voyant la gentillesse d’Elli (John C. Reilly), comment ne pas penser au handicap léger de Lenny (John Malkovich) dans le film de Gary Snise de 1992. Sauf que là, c'est lui qui réfléchit, et veille sur son frère, qui ne lui rend pas très bien.
Des gestes pour se retrouver et parler...
Quant aux « Moissons du ciel », de Terence Malik (1978), cette référence vient peut-être (sans doute), de ces paysages de prairies sauvages et vierges traversées , ou de cette scène d'ouverture avec une grange en feu au milieu de nulle part, la nuit..
Un autre film au moins vient aussi à l'esprit dans la seconde partie, on le verra plus loin.
Car si « Les Frères Sisters » est un film dramatique sur la famille, et les relations d'ancrage que l'on peut y trouver, on y lit aussi une certaine histoire de l'ouest en train de s'éteindre, et un autre qui s'organise... L'ouest sauvage vit en effet ses derniers instants, tout du moins en ce qui concerne les guerres indiennes et le grand banditisme, et il est évident que ce sont le capitalisme et le patronat qui prennent le relai, imposant leurs lois. Etonnant d'ailleurs de voir la place laissé aux femmes, et plus particulièrement à l'une d'entre elles, qui essaie de faire « sa » loi.. (Rebecca Root dans le rôle d'une patronne de saloon : Mayfield, dont la petite ville champignon porte le nom). Mais cela ne durera pas, faut pas déconner !
Les deux frères font donc « le ménage » pour l'un de ces grands propriétaires, et, comme une ironie du sort, eux et leurs compagnons finiront décimés à un moment donné, d'une certaine manière, par l'appât du gain. Et c'est à ce moment que les images du « Trésor de la sierra Madre » (John Huston, 1948) avec sa morale implacable reviennent en mémoire.
Alors oui, certain parmi eux espéraient une vie meilleure et rêvaient d'équité et de partage, et l'auraient sans doute méritée...mais le pays dont ils ont foulé le sol, et la terre en général, ne l'a pas jugé de cette façon. C'est le drame de cette histoire, où chacun doit lutter contre la vie sauvage (araignée cherchant la chaleur : une scène absolument horrifique, ours visitant le camp de nuit, pour se repaître d'un cheval...), la cupidité de certains hommes ou femmes, et ses propres démons, souvent liés au passé.
Il y a tant de choses à dire sur « Les Frères Sisters », que le mieux est d'y retourner. Pour mieux en tirer la substantifique moelle. Une chose est sûre : c'est un grand film, et un très bon western.