De la recherche-action

Par Villefluctuante
A-R-T a toujours pratiqué la recherche-action. Mais quelle est cette pratique ?

Une recherche ouverte sur l'action

La paternité de la recherche-action est souvent attribuée dans la littérature scientifique à Kurt Lewin (1890-1947), psychologue américain d'origine allemande, précurseur de la psychologie du travail. Les choses sont comme toujours plus complexes. La recherche-action possède plusieurs écoles dont deux en particulier. L'une de tradition anglo-saxonne, l' action research , désigne un mode d'action sociale centré sur les obstacles et les ressources de la dynamique des groupes sociaux avec pour représentants l'École de Chicago et sa sociologie clinique dès les années 1930, ou encore l'intervention et le développement communautaire de Saul Alinsky aux États-Unis dans les années 1950. L'autre école, apparue dans les années 1960 et portée par les travaux de l'Institut Tavistock, s'émancipe d'une acception sociale pour envisager plus généralement la manière dont la recherche scientifique, toutes disciplines confondues, sort de son cadre institutionnel pour participer à des actions de changement. La grande souplesse méthodologique de cette démarche a permis sa large diffusion en Europe. Dans les deux cas, la recherche-action est à la fois une méthode de recherche fondamentale, une démarche participative de changement et une remise en cause des pratiques dominantes.

La recherche-action, telle que nous l'entendons, est une démarche de recherche visant à résoudre des problèmes concrets en situation par une collaboration entre les chercheurs et les acteurs. Notre consortium, composé de chercheurs et de praticiens, opère un glissement méthodologique en conservant la rigueur de la démarche mais en abordant le domaine de la connaissance et de l'action d'aménagement en vue de l'adaptation des littoraux aux effets du changement climatique. Cette posture n'est pas nouvelle puisque de 2011 à 2016, les chercheurs de l'ARUC-DCC (Alliance de recherche universités communautés défis des communautés côtières, financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada) ont effectué une recherche longitudinale de ce type auprès de différents acteurs (secteur public, secteur économique et société civile) et communautés pour combler le " déficit d'adaptation " exacerbant les vulnérabilités de certaines communautés côtières de la région de l'Atlantique du Canada. L'originalité de notre proposition consiste à articuler des connaissances académiques issues des sciences de la terre, de la nature et de la géographie avec des pratiques empiriques de concepteurs.

Avant d'aller plus loin, il convient de poser quelques bases théoriques.

Démarche / processus

Les deux points communs des différentes démarches de recherche-action sont l'identification initiale d'un problème concret (tel qu'énoncé par Lewin dès 1946), la nature cyclique du processus (tel que proposé par Susman et Evered dès 1978). Toute recherche-action parcourt les cinq étapes du cycle à plusieurs reprises et les apprentissages sont progressifs. Enfin ces processus imposent au chercheur une immersion et une implication dans la durée.

La grande majorité des auteurs s'accorde sur le fait qu'il s'agit d'une démarche, d'un processus et non d'une méthode prédéfinie donnant lieu à une méthodologie arrêtée. Chaque recherche-action est donc susceptible de développer sa propre méthode.

Notre proposition articule en réalité deux types de recherche-action.

Une recherche intervention puis une recherche-action participative

Les axes 1 et 2 constituent une première recherche-action de type recherche intervention pour construire un cadre scientifique apte à expertiser des projets d'adaptation littorale, référencer et filtrer ces projets sur une cartographe participative. Elle doit conduire techniciens et chercheurs formant le consortium à produire un outil apte à décrypter l'innovation en matière de lien entre les projets de recherche et les aménagements physiques du littoral.

La recherche intervention qui contribue à l'amélioration des pratiques en mettant en place des outils et procédures. Nous suivrons cette démarche, telle que développée par Hatchuel en 1986, qui est un processus cyclique en cinq phases :
1. La perception du problème.
2. La double formulation du problème par les outils et l'organisation
3. La phase expérimentale : intervention et interaction
4. La définition d'un ensemble simplifié de logiques d'action.
5. Le processus de changement.

L'axe 4 verra l'élaboration d'une démarche - d'un processus de recherche-action participative - qui soit adaptable. Ce type de démarche appelée participatory action research ou participatory research dont la littérature laisse une grande place aux praticiens à la fois dans la construction de la recherche, dans sa mise en œuvre et dans la production des connaissances qui en résulte. Cela induit une organisation qui adopte une attitude critique telle que l'a défini Habermas. Elle repose sur des interactions fortes entre les chercheurs et les autres acteurs, où chacun à la capacité de contribuer à la résolution du problème de recherche.

Dans cette démarche, théorie et pratique sont méthodologiquement liées par la coopération entre le chercheur et les autres acteurs et par l'objectif de production de connaissance valide à la fois scientifiquement et pratiquement. Nous suivons pour ce faire les quatre critères de
Nobre (2006) :
1. Le principe de double complétude par une approche systémique et une perspective temporelle.
2. Le principe d'interaction où la recherche et la production de solutions sont contemporaines.
3. Le principe de multipositionnement théorique.
4. Le principe de double normativité, scientifiques et de participation libre.

Dans les deux cas, et pour ne pas verser dans le consulting, nous avons fait le choix de nous faire accompagner par un consultant pour accélérer la prise de décision et détacher la recherche de ce rôle.

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