Nous continuons à énoncer les principes temporels qui guident notre réflexion. Aujourd'hui, la parole à Gilles Deleuze.
Il y a des moments où nous ne pouvons pas nous tromper quand nous disons : " Ah mon Dieu, ça c'est nouveau ", et que notre stupeur, c'est toujours ce qu'on n'attend pas, par définition ... C'est pas ce qui répètera cette nouveauté qui est intéressant, c'est que ce nouveau en tant que nouveau, est la répétition déjà de tout ce qui lui succède. Difficile de penser une nouveauté qui soit comme la répétition de tout ce qui va lui succéder. C'est au sens où Péguy, dans une très belle page, dit : vous savez, vous savez que, vous vous rappelez que, le peintre Monet a peint beaucoup, beaucoup de nymphéas, en d'autres termes de nénuphars. Péguy, il disait, on croit que c'est le dixième nymphéa de Monet qui répète le premier, qui le répète en le perfectionnant au besoin, et bah, c'est pas vrai il disait. Il disait, c'est le premier nymphéa, c'est le premier nymphéa de Monet qui répète tous les autres. De même, il disait, c'est pas la célébration de la prise de la Bastille qui répète la prise de la Bastille, c'est la prise de la Bastille qui répète toutes les célébrations futures. En d'autres termes, la production d'un quelque chose de nouveau, c'est la répétition, mais la répétition de quoi : la répétition tournée vers le futur, la répétition de ce " qui n'est pas encore ".
Gilles Deleuze - Cinéma, cours du 23/11/82 - transcription par Marie Lacire
S'inscrire à la newsletter
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :