Xi s'évade du Tibet, traverse les montagnes en courant, arrive en Inde, se fait repérer par un entraîneur et commence à courir des marathons. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? On pourrait reprocher à l'auteur de nous priver de descriptions, d'avoir survolé ses personnages et de ne pas avoir cherché à approfondir leurs caractères, leurs ressentis. On pourrait lui reprocher d'avoir écrit ce roman en courant. Or, les mots se suffisent à eux-mêmes et, en peu de pages, il dit tout. On visualise, on comprend, on s'attache, on adhère. Il gagne haut la main. Bien sûr, les amateurs de sport auront leur compte avec cette précision dans les chiffres lorsqu'il s'agit d'évoquer les temps de parcours des différentes courses et ce mythique passage sous les deux heures pour un marathon. On touche ici à la question des limites du corps humain, ainsi qu'à la course aux records toujours plus féroce, alimentée par les sponsors, les médias et les milliards de dollars qui circulent autour de cet événement sportif. Certains diront que ce n'est même plus du sport. Ce qui est incroyable, dans ce roman de Maffetone - qui connaît très bien le sujet de par ses compétences d'entraîneur sportif, de scientifique et médecin -, c'est que c'est un réfugié tibétain, berger, pieds nus, qui va tenter de pulvériser les deux heures de courses et de gagner ce million de dollars promis au vainqueur. Les codes sont brisés et on s'attaque aux clichés, aux a priori raciaux et sociaux. C'est aussi l'occasion, à travers cette fable, puisque c'en est une, de questionner nos valeurs et cette question des biens matériels qui prennent tellement de place dans nos vies, aux dépens de nos richesses culturelles, de nos traditions ancestrales et de notre essence profonde. Les valeurs de Xi sont celles de ses ancêtres : vivre en harmonie avec la nature et en liberté. C'est là que la question de l'invasion du Tibet par la Chine et sa féroce colonisation culturelle, économique, territoriale, politique prend toute sa dimension. L'auteur produit, l'air de rien, un récit engagé. Sans revendications, sans hargne, sans grands discours, simplement en suivant le rythme des pieds nus de son héros sur la piste et des chansons anciennes qu'il fredonne pour imprimer un rythme à sa course, au grand désarroi des observateurs, des spécialistes et de ses concurrents. Sommes-nous vraiment ouverts à ce genre de choses ? Sommes-nous réceptifs à ces personnages que l'on croise ici et là et qui pourraient, par leur action, leur comportement face à la vie, bouleverser l'ordre des choses et, pas après pas, changer la face du monde ? Enfin, dernière interrogation et pas des moindres : quand serons-nous enfin prêts à reconnaître l'immense valeur de ceux qui débarquent les mains vides mais l'âme si riche dans nos pays, rescapés de la guerre ou de la misère ? Le récit est peut-être un peu naïf, mais il est touchant et répond à une vraie réalité politique et historique, ainsi qu'à des problématiques sportives et financières importantes. Alors, qu'on soit passionné de sport, partisan de la liberté pour le Tibet, adulte, enfant, la lecture du roman de Philip Maffetone ne peut pas nous faire de mal. Comme se jeter de l'eau froide du torrent au visage pour se réveiller.
Philip Maffetone, Million dollar marathon, 2017.
Xi s'évade du Tibet, traverse les montagnes en courant, arrive en Inde, se fait repérer par un entraîneur et commence à courir des marathons. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? On pourrait reprocher à l'auteur de nous priver de descriptions, d'avoir survolé ses personnages et de ne pas avoir cherché à approfondir leurs caractères, leurs ressentis. On pourrait lui reprocher d'avoir écrit ce roman en courant. Or, les mots se suffisent à eux-mêmes et, en peu de pages, il dit tout. On visualise, on comprend, on s'attache, on adhère. Il gagne haut la main. Bien sûr, les amateurs de sport auront leur compte avec cette précision dans les chiffres lorsqu'il s'agit d'évoquer les temps de parcours des différentes courses et ce mythique passage sous les deux heures pour un marathon. On touche ici à la question des limites du corps humain, ainsi qu'à la course aux records toujours plus féroce, alimentée par les sponsors, les médias et les milliards de dollars qui circulent autour de cet événement sportif. Certains diront que ce n'est même plus du sport. Ce qui est incroyable, dans ce roman de Maffetone - qui connaît très bien le sujet de par ses compétences d'entraîneur sportif, de scientifique et médecin -, c'est que c'est un réfugié tibétain, berger, pieds nus, qui va tenter de pulvériser les deux heures de courses et de gagner ce million de dollars promis au vainqueur. Les codes sont brisés et on s'attaque aux clichés, aux a priori raciaux et sociaux. C'est aussi l'occasion, à travers cette fable, puisque c'en est une, de questionner nos valeurs et cette question des biens matériels qui prennent tellement de place dans nos vies, aux dépens de nos richesses culturelles, de nos traditions ancestrales et de notre essence profonde. Les valeurs de Xi sont celles de ses ancêtres : vivre en harmonie avec la nature et en liberté. C'est là que la question de l'invasion du Tibet par la Chine et sa féroce colonisation culturelle, économique, territoriale, politique prend toute sa dimension. L'auteur produit, l'air de rien, un récit engagé. Sans revendications, sans hargne, sans grands discours, simplement en suivant le rythme des pieds nus de son héros sur la piste et des chansons anciennes qu'il fredonne pour imprimer un rythme à sa course, au grand désarroi des observateurs, des spécialistes et de ses concurrents. Sommes-nous vraiment ouverts à ce genre de choses ? Sommes-nous réceptifs à ces personnages que l'on croise ici et là et qui pourraient, par leur action, leur comportement face à la vie, bouleverser l'ordre des choses et, pas après pas, changer la face du monde ? Enfin, dernière interrogation et pas des moindres : quand serons-nous enfin prêts à reconnaître l'immense valeur de ceux qui débarquent les mains vides mais l'âme si riche dans nos pays, rescapés de la guerre ou de la misère ? Le récit est peut-être un peu naïf, mais il est touchant et répond à une vraie réalité politique et historique, ainsi qu'à des problématiques sportives et financières importantes. Alors, qu'on soit passionné de sport, partisan de la liberté pour le Tibet, adulte, enfant, la lecture du roman de Philip Maffetone ne peut pas nous faire de mal. Comme se jeter de l'eau froide du torrent au visage pour se réveiller.
Xi s'évade du Tibet, traverse les montagnes en courant, arrive en Inde, se fait repérer par un entraîneur et commence à courir des marathons. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? On pourrait reprocher à l'auteur de nous priver de descriptions, d'avoir survolé ses personnages et de ne pas avoir cherché à approfondir leurs caractères, leurs ressentis. On pourrait lui reprocher d'avoir écrit ce roman en courant. Or, les mots se suffisent à eux-mêmes et, en peu de pages, il dit tout. On visualise, on comprend, on s'attache, on adhère. Il gagne haut la main. Bien sûr, les amateurs de sport auront leur compte avec cette précision dans les chiffres lorsqu'il s'agit d'évoquer les temps de parcours des différentes courses et ce mythique passage sous les deux heures pour un marathon. On touche ici à la question des limites du corps humain, ainsi qu'à la course aux records toujours plus féroce, alimentée par les sponsors, les médias et les milliards de dollars qui circulent autour de cet événement sportif. Certains diront que ce n'est même plus du sport. Ce qui est incroyable, dans ce roman de Maffetone - qui connaît très bien le sujet de par ses compétences d'entraîneur sportif, de scientifique et médecin -, c'est que c'est un réfugié tibétain, berger, pieds nus, qui va tenter de pulvériser les deux heures de courses et de gagner ce million de dollars promis au vainqueur. Les codes sont brisés et on s'attaque aux clichés, aux a priori raciaux et sociaux. C'est aussi l'occasion, à travers cette fable, puisque c'en est une, de questionner nos valeurs et cette question des biens matériels qui prennent tellement de place dans nos vies, aux dépens de nos richesses culturelles, de nos traditions ancestrales et de notre essence profonde. Les valeurs de Xi sont celles de ses ancêtres : vivre en harmonie avec la nature et en liberté. C'est là que la question de l'invasion du Tibet par la Chine et sa féroce colonisation culturelle, économique, territoriale, politique prend toute sa dimension. L'auteur produit, l'air de rien, un récit engagé. Sans revendications, sans hargne, sans grands discours, simplement en suivant le rythme des pieds nus de son héros sur la piste et des chansons anciennes qu'il fredonne pour imprimer un rythme à sa course, au grand désarroi des observateurs, des spécialistes et de ses concurrents. Sommes-nous vraiment ouverts à ce genre de choses ? Sommes-nous réceptifs à ces personnages que l'on croise ici et là et qui pourraient, par leur action, leur comportement face à la vie, bouleverser l'ordre des choses et, pas après pas, changer la face du monde ? Enfin, dernière interrogation et pas des moindres : quand serons-nous enfin prêts à reconnaître l'immense valeur de ceux qui débarquent les mains vides mais l'âme si riche dans nos pays, rescapés de la guerre ou de la misère ? Le récit est peut-être un peu naïf, mais il est touchant et répond à une vraie réalité politique et historique, ainsi qu'à des problématiques sportives et financières importantes. Alors, qu'on soit passionné de sport, partisan de la liberté pour le Tibet, adulte, enfant, la lecture du roman de Philip Maffetone ne peut pas nous faire de mal. Comme se jeter de l'eau froide du torrent au visage pour se réveiller.