Suede, une histoire d'ADN
L'histoire entre Suede et moi remonte à mon adolescence, éduqué avec les " oh oh oh " de Animal Nitrate à l'heure où les boys band faisaient fureur dans la cour du collège. Depuis, Suede est ancré dans mon ADN... Etrange sans doute car j'écoute (et apprécie) les albums récents au moment de leur sortie, mais j'écoute assez rarement Suede au quotidien. Mais pour les avoir vus quelques fois en live, le groupe partage une telle maîtrise de la scène, avec un Brett Anderson toujours aussi classe, dynamique et dandy, que l'envie d'y revenir fait systématiquement surface à leur passage en France, même sur une date unique. C'était ma septième fois hier soir, bien peu par rapports à certains croisés sur ces pages - coucou Chris et Christophe, vous qui comptez plus de 100 concerts de Suede à vous 2 !
Le rideau en guise de préliminaires
Que vaut le Suede live de 2018 ? A vrai dire, rien de très nouveau, ce qui est quelque part très rassurant. Voilà presque 30 ans que le groupe existe, Brett Anderson a tout juste 51 ans (c'était son anniversaire il y a quelques jours) et l'énergie déployée est toujours la même. Le concert commence derrière un fin rideau transparent sur lequel ne sera pas projeté de film comme sur la dernière tournée. Cette sensation est plaisante car on sait que le rideau va tomber, sans savoir quand. Le groupe joue quelques morceaux, dont un How Don't Know How To Reach You parfaitement de circonstance où Brett colle sa main contre le rideau sans pouvoir atteindre son public.
En fait, Brett derrière un rideau transparent, c'est un peu comme faire l'amour avec une capote : c'est mieux que rien, mais c'est frustrant ! Mais les préliminaires ne dureront pas longtemps et au bout de quatre titres, le rideau glisse et Brett lance une série de 30 minutes de tubes non stop. Il est déchaîné, saute partout, se met à genoux, à plat ventre, tend ses mains à tout le monde. Il est dans une forme olympique, chemise trempée et ouverte en quelques minutes.
Profondeur cinématographique
Certes, le groupe a évolué musicalement, nous plongeant çà-et-là dans un univers cinématographique assez sombre, déployant des morceaux de cordes langoureux et habités par la voix profonde de Brett. Les nouveaux morceaux que sont As One (parfait en intro, sur album comme en live) ou Tides résonnent parfaitement en live, appuyant sur la profondeur du groupe. Mention spéciale à Tides justement, très Bowiesque en concert et qui s'annonce comme un moment fort et intense des prochains concerts. Ces morceaux sont venus à un moment parfaitement opportun après la déferlante de tubes. Brett était totalement absorbé dans son numéro, soutenu par un lightshow parfait et un son impeccable. Les deux mains posées sur le micro, genoux légèrement fléchis, déhanché légendaire, Brett assure les poses, tout comme il maîtrise le micro-hélicoptère sur les hits, l'une de ses marques de fabrique scénique d'ailleurs immortalisée sur la belle pochette du live anniversaire de Dog Man Star dont on aura 2 extraits ce soir dont le très beau The Asphalt World.
Un rythme parfait
Pour autant, si ce live 2018 a autant de saveur, c'est que Suede sait parfaitement rythmer sa setlist, alternant les tubes incontournables dont on ne se lasse pas ( Metal Mickey, Trash, So Young, Animal Nitrate, We Are The Pigs, Beautiful Ones en rappel) avec les nouveaux morceaux qui ont déjà des allures de classiques ( Wastelands, Cold Hands).
Les morceaux des deux derniers albums font eux aussi figures d'incontournables et n'ont pas à rougir devant les piliers d'antan. Outsiders et It Start And Ends With You notamment. Snowblind ou Hit Me auraient eu parfaitement leur place. Cold Hands, extrait du tout récent The Blue Hour, sonne vraiment super bien malgré quelques problèmes de justesse de Brett.
Le reste du groupe est à l'image de ce qu'on lui connaît : Matt se dandine parfaitement à la basse, Simon assure sur sa batterie à violette paillettes, Richard assure les riffs de guitare avec son teint toujours aussi blafard et une nouvelle allure (barbu et clairement amaigri par rapport à la dernière fois), tandis que Neil donne toujours cette impression de s'emmerder royalement derrière ses claviers. Pas de doute, on est bien à un concert de Suede et l'alchimie globale couplée cette énergie de Brett impressionnante résonnent toujours aussi fort en moi.
Brett seul en scène à la guitare
Dans les nouveautés, Brett nous accordera un moment assez unique, seul sur scène à la guitare acoustique, et sans micro pour interpréter The Big Time, l'un des morceaux de l'excellente compilation Sci-Fi Lullabies. On sera d'ailleurs particulièrement gâtés avec My Insatiable One, autre extrait de cette même compilation joué cette fois avec tout le groupe. Killing Of A Flashboy ? Non, quand même pas, mais vue la densité de la setlist, on ne peut pas dire que ce soit une déception. D'autant plus que je pense que c'est l'un des meilleurs concerts de Suede que j'ai vus.
En tous cas, la setlist y est pour beaucoup ce soir. Autant j'étais resté un peu mitigé sur la dernière prestation du groupe à Paris en janvier 2016, avec cet écran aussi esthétique que frustrant, autant le set d'hier soir a permis d'alterner les moments puissants et profonds, avec les gloires du passé. On regrettera toutefois de ne pas avoir entendu Life Is Golden, nouveau single qui aurait fait un final parfait et qui était prévu sur la feuille de concert. Brett a en effet indiqué " We'll do a very short encore " en lançant Beautiful Ones. Une histoire de couvre-feu instauré par La Cigale à 22h30 ? Aucune idée.
Tant pis, les années passent et le groupe évolue bien. La coupure au milieu des années 2000 leur a certainement fait du bien pour casser la routine et la lassitude. Suede " deuxième cuvée " est le contre-exemple parfait de la reformation foirée : une bonne évolution discographique et des concerts exemplaires. Vivement le prochain ! Les plus chanceux pourront les voir la semaine prochaine à Londres avec The Horrors. La classe.
Suede, Setlist La Cigale 2018 Paris
As One
I Don't Know How to Reach You
Wastelands
Outsiders
Cold Hands
The Drowners
We Are the Pigs
So Young
My Insatiable One
Tides
Roadkill
The Asphalt World
It Starts and Ends With You
Filmstar
Metal Mickey
Trash
Animal Nitrate
The Big Time (Brett solo à la guitare)
The Invisibles
Flytipping
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Beautiful Ones
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