On n’en guérissait pas des blessures anciennes
de plaies qui se rouvraient
sous les mains des petites
Tu es triste pourquoi es-tu si triste ?
et le jour s’annonçait sur notre désarroi
sur notre solitude
On se levait On se lavait
on pensait à sa vie dérisoire
à toutes nous demandions d’être un instant notre mère
de nous serrer
de chanter pour nous endormir
d’avoir un peu pitié
et de nous abriter dans leur ventre
On en avait du mal à se parer des coups
du souvenir, des aubes banales
où chacun repart, où l’on refait le lit
Nous voici moite Nous voici las
les larmes au bord des yeux
mais elles enferment leurs seins dans leurs cages blanches
et nous confient les clés
Elles ouvrent le transistor
et se refont les yeux (leurs fesses tiendraient dans un mouchoir)
puis on remonte la fermeture de leur robe
on leur dit que ce n’est pas cela la vie
qu’il y a autre chose
mais qu’on nous l’a volé
alors pour nous faire taire
elles nous bâillonnent avec leurs lèvres moins nues pourtant que la non
espérance—
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Franck Venaille (1936-2018) – L’Apprenti foudroyé (Pierre Jean Oswald, 1969) – Capitaine de l’angoisse animale, une anthologie, 1966-1997 (Obsidiane – Le Temps qu’il fait, 1998)