J’ai vu au cinoche… (septembre 2018)

Par Tinalakiller

Faisons le point sur les films vus au cinoche en septembre qui méritent plutôt de bonnes notes !

Lauréat du Grand Prix au dernier festival de Cannes présidé par Cate Blanchett, Spike Lee mérite toutes ses louanges. Avec sa mise en scène inspirée et un ton plaisant, le long-métrage a le mérite de vouloir parler au plus grand nombre sans autant tomber dans un résultat consensuel. Sa fin coup-de-poing, qui casse avec cette légèreté a priori omniprésente, est nécessaire pour pouvoir réveiller le spectateur : alors que le film riait des membres du KKK dans une époque qui peut nous sembler " lointaine ", cette fin présentant des images d'archives des événements de Charlottesville rappelle que ces gens idiots dont on s'est moqué pendant une grande partie du film sont toujours dangereux. Peu importe notre couleur de peau, notre combat commun contre un racisme monstrueux doit continuer à exister. Enfin, Spike Lee a su mettre en avant des interprètes talentueux : John David Washington (le fils de Denzel pour ceux qui auraient raté l'info) est impeccable dans le rôle principal, Adam Driver (qui, décidément, sait choisir ses films) est toujours aussi charismatique, Topher Grace parfait en chef raciste ou encore Laura Harrier (vue dans Spiderman : Homecoming) est une sacrée révélation.

Je ne prétends pas connaître de A à Z la filmographie de Lee Chang-Dong (je n'ai pas encore rattrapé Oasis), je peux juste vous dire que Poetry et Secret Sunshine font partie de ces bijoux à regarder absolument. J'attendais logiquement Burning, adapté d'une nouvelle de Murakami ( Les Granges Brûlées). Beaucoup de spectateurs se sont insurgés de le voir repartir les mains vides au dernier festival de Cannes. Sans dire que je m'en réjouis (je n'aurais pas non plus été scandalisée en cas de victoire), je comprends plutôt ce choix de la part du jury. J'ai eu du mal à entrer dans le film, au point où j'ai failli m'endormir au bout d'une heure de film (cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie comateuse devant un film). La seconde partie, davantage tournée vers le thriller, a su me réveiller en quelques secondes. Enfin, l'arrivée du troisième acte est si brutale (pourtant, j'aime le fait que le scénario ne nous donne pas réellement de réponses). Lee Chang-Dong signe pourtant un film énigmatique, naviguant sans cesse entre une réalité sociale brutale et des zones volontairement floues voire même oniriques (n'oublions pas que le personnage principal veut devenir écrivain). Dommage que je n'ai pas été plus sensible à l'ensemble du long-métrage.

Pour son premier long-métrage, l'acteur-réalisateur-scénariste Jim Cummings a réussi à faire sensation auprès des professionnels (notamment en remportant le Grand Prix du festival de Deauville) et du public. Thunder Road, dont le titre fait référence à une chanson de Bruce Springsteen (jamais utilisée alors qu'il s'agit de la chanson citée pendant l'enterrement de la mère du personnage principal) fonctionne effectivement par moments. Le plan-séquence d'ouverture séduit d'emblée avec ce mélange d'empathie et de malaise qu'on ressent pour Jim. La scène devant le commissariat est également très intéressante, la caméra se concentrant essentiellement sur le protagoniste, en oubliant les autres personnages autour de lui. Cela dit, l'ensemble m'a tout de même plutôt mitigée. Je ne me suis pas ennuyée mais je ne peux pas dire non plus que j'ai pris réellement mon pied. La faute à ce sentiment permanent d'égocentrisme (les personnages secondaires sont particulièrement mal employés) et de pleurnicherie trop accentuée (même si je comprends la démarche du réalisateur) ainsi que cette fin à la " deus ex-machina " qui m'a fait sortir du film.

Le premier long-métrage de Thomas Lilti, Hippocrate, ne m'avait pas réellement convaincue malgré des critiques très positives à sa sortie. Je n'attendais donc pas spécialement Première année (avec le même Vincent Lacoste de Hippocrate : on pourrait connecter les films et leurs personnages dans un hypothétique " Lilti Universe "). On pourra évidemment voir dans Première année une critique contre l'absurde système des concours de médecine. Mais heureusement on n'a pas besoin d'être ex-étudiant en médecine ou autre pour apprécier pleinement ce film. Chaque spectateur a été confronté à des interrogations et des obstacles en tous genres sur l'avenir professionnel (comment savoir travailler en fonction de son milieu social ? Choisit-on des voies professionnelles sous influence familiale ?). Dans l'ensemble, le long-métrage est donc plutôt réussi avec sa maîtrise du sujet (Lilti était médecin), des personnages attachants (et parfaitement interprétés), le tout sur un montage rythmé, avec quelques bonnes petites idées de mise en scène. Le tout séduit également par son réalisme constant (notamment par sa reproduction sonore). Cela dit, la fin du long-métrage reste discutable. Elle est mignonne (pour ne pas dire touchante) et logique si on en reste à l'attachement que l'on porte aux personnages. Mais s'éloigne aussi de ce même réalisme constamment mis en place.

Tiré d'un faits divers, Climax raconte l'histoire d'une soirée qui prend des tournures tragiques, l'un des invités ayant mis de la LSD dans la sangria. Alors que j'avais détesté Love, Gaspar Noé est parvenu à me surprendre avec son dernier long-métrage présenté à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs. En l'espace de ces deux films, j'ai l'impression que le réalisateur a gagné en " maturité ". Il ne faudrait pas limiter son film à un " trip " qui nous rappelle à quel point la drogue peut rendre les gens fous. Climax est pour moi avant tout un film sur une jeunesse qu'on veut éclater. Cette collectivité, avec ses différences en tous genres (sexuelles, géographiques, physiques), a tout pour être forte, comme le montre cette chorégraphie au début du long-métrage avec ces corps sont si proches, bougeant au même tempo. Il faut qu'une personne extérieure, littéralement étrangère, bousille cette unité et surtout cet espoir de collectivité possible. Chez Noé, la tragédie prend des accents de cauchemars, le film prenant presque des allures de film d'horreur dans son troisième acte. Pour chipoter, je dirais juste que Noé explique parfois un peu trop son film, comme s'il ne faisait pas suffisamment confiance en son spectateur. Mais ce film a le mérite de me hanter et de m'avoir fait vivre une expérience à part. Une des bonnes surprises de l'année.

    Les Frères Sisters de Jacques Audiard

Le western étant désormais un genre rare dans le paysage cinématographique, j'étais curieuse de découvrir Les Frères Sisters, adapté du roman de Patrick DeWitt. Je n'ai jamais été une grande fan d'Audiard (même s'il ne fait partie de ma liste de mes " bêtes noires " - certains d'entre vous les connaissent déjà) et je ne vais pas le devenir avec son nouveau film, son premier en langue anglaise. Pourtant, Les Frères Sisters est plutôt réussi, je dois bien l'admettre. Il n'y a pas de faux-pas : le quatuor d'acteurs est impeccable, la mise en scène est maîtrisée, les paysages sont sublimés par la photographie. On voit où Audiard veut en venir : malgré la violence des personnages, affichée dès la première scène, et plus globalement du monde dans lequel ils vivent, Les Frères Sisters est un film qui se veut tendre en exploitant notamment différentes définitions de la fraternité (le duo Jake Gyllenhaal-Riz Ahmed éclipse même parfois nos fameux frangins cités dans le titre). Même si ce choix est volontaire, cette tendresse signe aussi pour moi la limite de ce film qui manque de grandeur. Bref, quitte à faire du forcing, le western de l'année reste donc pour l'instant Hostiles.