Un film qui m'a renversé par son audace, sa réalisation, ses comédiens, ses trouvailles, sa facture, son propos, son originalité, sa cinématographie, souvent, tout ça en même temps. Un film qui m'a ouvert les sens.
J'ai étudié et travaillé dans le cinéma, c'est une passion qui ne mourra pas de sitôt. If ever. Je consomme encore beaucoup de films/séries dès que j'en ai une chance.
Aujourd'hui, jour d'élections au Québec, un choix adéquat.
THE CANDIDATE de Micheal Ritchie.
Je ne me rappelle plus vraiment les circonstances du visionnement de ce film. Je me rappelle avoir vu la (toujours pénible) version française qui s'appelait Votez McKay à la télé. Mais qu'est-ce que j'ai aimé. Je voudrais revoir et/ou posséder.
Avec le temps, (1972) ce film fait même figure de prophétie.
Marvin Lucas est un stratège politique démocrate. Crocker Jarmon, candidat républicain, est largement favori pour gagner les élections sénatoriales de la Californie. Lucas cherche donc un candidat démocrate pour faire une course ingagnable contre un candidat trop populaire. Un candidat "poteau" comme on dit par chez nous.
Comme personne ne veut se présenter pour se faire écraser par Jarmon, Lucas se voit obligé de se tourner vers Bill McKay, beau, idéaliste, charismatique, et fils de l'ancien gouverneur de la Californie John J.McKay.
La proposition va comme suit. Comme la course est impossible à gagner, McKay aura la chance de dire tout ce qui lui passe par la tête et de suivre son propre agenda autant que possible. Il va perdre de toute manière. McKay campagne donc comme bon lui semble et les sondages le montre perdant. Mais de manière écrasante. Lucas n'aime pas du tout. Ils savent qu'ils vont perdre, mais ne veulent pas être humiliés non plus. McKay devra parler à un plus grand nombre de gens. Son message devra se rendre ailleurs que dans des niches. Il devient alors plus générique, moins précis. Et comme il avait demandé à son père de ne pas se mêler de sa campagne, celui-ci a gardé le silence. Mais son silence est alors considéré comme un endossement de tout ce qu'il annonce. Comme Bill n'est pas qualifié pour ce qu'il fait, ça a l'air fou par moments pour le nom McKay. Le père sort pour expliquer qu'il ne fait que répondre au souhait de son fils de ne pas s'en mêler mais les rapports restent tendus et inamicaux. McKay devient un nom ridiculisé.
Quand McKay gagnera ses élections, il est catastrophé. "Nous devions perdre! Que ferons nous maintenant?".
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Ça vous rappelle quelque chose?
Donald Trump a pris une heure à accepter qu'il avait gagné. Il devait perdre. Et rester extrêmement populaire dans les médias. Sa femme le savait. ELLE, elle est restée perdante et ne lui a jamais pardonné cette victoire. Elle sait qu'il n'est pas à sa place. Elle n'est pas à sa place non plus.
J'adore Robert Redford. J'aime tous ses choix. Il est d'une vive intelligence. Il a travaillé au scénario (oscarisé) avec Jeremy Larner, un ancien stratège politique de John V. Tunney. Micheal Ritchie, le réalisateur, avait aussi travaillé sur la campagne sénatoriale de Tunney en 1970. Ritchie, Redford et Larner ont passé l'été 1971 à travailler le script du film. La scène de la salle de bain s'inspire d'un moment qui s'est réellement produit à Eugene McCarthy, dans une de ses nombreuses courses (5) à la candidature présidentielle.
Redford est réuni, dans ce film à Nathalie Wood, qui y fait un caméo dans son propre rôle, s'étant alors retirée du monde du show business. Wood et Redford étaient bons amis et ont joué ensemble à l'écran dans Inside Daisy Clover et This Property is Condemned.
Le film avait de réelles ramifications politiques puisque la femme de Melvyn Douglas, Helena Gahagan Douglas, était congressiste dans les années 50, et une candidate au Sénat dans la même enceinte que le film a été tourné.
Un candidat qui devait perdre mais qui se retrouve dans un rôle qui ne lui conviendra jamais.
1972.
Mais très 2018.