Comme toutes les modes échappant à tout contrôle, la vague des hackathons, concours et autres compétitions d'innovation connaît depuis quelques années des dérives qui non seulement en dénaturent l'esprit initial mais, surtout, les transforme fréquemment en outils de communication sans réel objectif de créer de nouveaux services, produits, processus, modèles économiques… Le domaine « social » que vise le MIT avec son initiative est particulièrement touché par ce phénomène mais il est loin d'être un cas isolé.
Le nombre d'événements à crû exponentiellement, les plates-formes techniques destinées à en assurer la logistique sont pléthoriques, les montants des récompenses promises aux lauréats (il faut bien attirer les participants !) atteignent des sommets (en millions de dollars)… Hélas, toute cette énergie se termine le plus souvent par des séances de « pitches » de quelques minutes chacun, à l'issue desquelles l'exposé le plus brillant, avec les diapositives les plus jolies, remporte le pactole… et le tout finit aux oubliettes.
Naturellement, ces travers sont également monnaie courante dans les institutions financières (à l'exception des primes fabuleuses réservées aux gagnants !) Extrêmement friandes d'animations diverses et variées pour mobiliser leurs collaborateurs (et, parfois, leurs clients et autres parties prenantes), elles sont victimes du même syndrome de stérilité. Vous souvenez-vous de la dernière fois où une vraie innovation est sortie d'un challenge interne… jusqu'à déboucher sur une mise en production effective ?
À l'inverse, « Solve » revient à un ensemble de principes sains, sinon originaux (car ils ont toujours guidé l'innovation « sérieuse »), pour une approche pragmatique, entièrement focalisée sur les résultats. La première particularité de son dispositif apparaît dès le choix des thèmes de la compétition : au lieu d'être imposés par les sponsors, ils sont proposés et sélectionnés par la communauté des personnes intéressées, consultée en amont, ce qui permet de garantir a minima qu'ils attireront des participants motivés.
Le plus important vient cependant ensuite, dans l'animation des étapes de création. La phase initiale est ouverte très largement, au monde entier, et ne se contente pas d'idées jetées sur le papier : c'est un prototype opérationnel qu'il faut présenter. Le jury va alors choisir quelques dizaines de finalistes avec lequel il va passer une journée entière à discuter de leurs projets. La session de « pitches » qui clôt cette séquence est donc plus un exercice de partage et de communication qu'un véritable outil de sélection.
Les candidats retenus à ce stade reçoivent une enveloppe de 10 000 dollars, complétée par les dotations des sponsors associés à la démarche, pour développer un produit, au cours des 12 mois suivants, avec accompagnement et support des structures organisatrices. À l'issue de cette période d'incubation, qui marque la fin du processus « Solve », les réalisations les plus solides et les plus prometteuses seront encore soutenues par les entreprises participantes jusqu'à leur déploiement et leur accélération.
La méthode du MIT n'est pas exempte de défauts (le journaliste de TechCrunch souligne notamment un manque de transparence sur les critères de sélection), mais elle a au moins le mérite de replacer la priorité d'une technique d'innovation sur des résultats concrets. Au milieu de la myriade d'initiatives dont l'obsession porte sur les paillettes, dans lesquelles la forme prime sur le fond, il est utile de se souvenir que, pour créer de nouvelles solutions, il faut s'appuyer sur un processus structuré, long et exigeant.