Lécher, lâcher, lyncher : trois verbes réguliers pour décrire un comportement que l'on juge irrégulier, celui de notre attrait pour la régression ou l'agression, qui nous fait parfois regretter notre propre portrait.
Lécher, lâcher, lyncher : trois verbes qui sont et ont toujours été des mots clés pour transcrire le retournement de tout désir en son contraire, le nébuleux et non le fabuleux destin de tout désir humain, trop humain !
Trois L qui volent en éclats avec le temps, pour lui, comme pour elle, cela nous rappelle une chanson : la chanson des vieux amants qui ne revoient leur visage qu'à travers ce passage du désir à l'aversion, l'épanchement de la vie jusque dans la mort... ça grince des dents... quand on joue au plus malin... Comme si nous étions tous enclins à provoquer ou à subir ce genre de déclin.
Tu lèches, tu lâches et puis tu lynches... comme pour exprimer ta lassitude... tu n'as plus envie d'avoir envie, d'où ton ingratitude... comme si tu te sentais obligé de salir le passé pour laver l'avenir...
Tu cherches tout ce qui peut survenir pour altérer le souvenir, le dissoudre pour t'absoudre.
Et tu ne peux t'absoudre sans foudroyer la foudre : haïr ce que tu as aimé comme pour tuer ce que tu as été : un être qui change le bien en mal, et le mal en bien...
Pour cesser d'être embarrassé, tu te débarrasses de tout ce que tu as embrassé en faisant mal pour cesser d'avoir mal.
Tu lèches, tu lâches et puis tu lynches... ça monte et puis ça descend...l'ascenseur moral avec ces verbes qui se font une guerre de succession... de la poésie des commencements jusqu'à la prose des renoncements !
Tu es l'antéchrist qui déchire toutes les listes de mariage d'amour pour faire la cour à la raison intéressée qui fait l'intéressante.
Non, ce n'est pas tragique, c'est romantique... c'est l'essence même du romantisme que de commencer par lécher et de finir par lyncher, de brûler ce que tu as adoré pour redorer le blason de tout ce qui te paraît rouillé.
C'est aussi la dialectique de toute ambition en politique ... tu fais des courbettes pour avoir les manettes et puis tu jettes celui qui t'a permis de faire tes emplettes.
Parce que ta tête, qu'elle soit avide ou pleine, elle est mal faite!
Tu es partisan d'une victoire, mais en même temps, artisan de ta défaite...
Mais qui n'a pas de cadavres dans son placard, me diras-tu ?
Et tu passes le plus clair de ton temps à dissimuler les armes de ton crime : le temps et l'ambition.
C'est le temps qui lèche, lâche et lynche.
C'est l'ambition qui lèche, lâche et lynche...
Parce que tu es inconsistant... Romantique et politique en même temps !
Sur le plan géopolitique, je vois trois pays qui font exception à cette règle de trois :
La Syrie, l'Iran et la Russie ... qui ne lèchent pas, qui ne se lâchent pas et que le monde ne parvient toujours pas à lyncher.
Trois états à l'abri des états d'âme qui ne sont gouvernés ni par le sentiment, ni le ressentiment... mais par un règlement souverain.
Auteur interprète : Emeline Becuwe
Scénario : Emeline Becuwe
Actrice : Emeline Becuwe