Sur demande, je me suis penché sur la question de l'entreprise libérée. J'en arrive à penser que la meilleure façon de comprendre ce que c'est est, comme souvent, de la définir par son contraire : "command and control". L'entreprise libérée est l'inverse de l'organisation-machine.
Cela permet aussi de réfléchir sur ce que veut dire "homme libre". Car le composant de l'entreprise libérée, c'est l'homme libre. Là aussi, on peut le définir par son opposé, qui est inattendu. Car "command and control" ne produit pas que des exécutants. Mais un homo hierarchicus : des exécutants et des dictateurs, des "petits chefs". Car l'exécutant et le dictateurs sont la même personne à des endroits différents. Le principe de "command and control" c'est l'inégalité. Le principe de l'entreprise libérée, c'est, à l'opposé, l'égalité. Mais pas celle que l'on a en tête quand on entend le mot. C'est un état dans lequel personne ne se sent inférieur ou supérieur à un autre. Ce qui meut l'entreprise libérée, ce n'est pas le "commandement", c'est le leadership, c'est ce que jadis on appelait "l'autorité", c'est-à-dire un comportement exemplaire, qui est une source d'inspiration, pas de suivisme. C'est Napoléon à Arcole.
Les travaux sur l'entreprise libérée constatent que la liberté n'est pas un état naturel. Elle se crée, et s'entretient. Ce sont les conditions sociales dans lesquelles il vit qui libèrent l'homme, ou qui l'asservissent. Dans une société d'esclaves, Socrate est condamné à mort. Les conditions de la liberté ont un nom : une "constitution". C'est un dispositif multiple (murs, ou absence de murs, lois, coutumes...) qui oriente plus ou moins consciemment les comportements.
C'est le paradoxe de l'anarchie. L'anarchie, c'est le contraire de l'anomie pour laquelle milite le lanceur de bombes. C'est la loi qui organise la liberté.