Philippe Monge: contrebasse
Gérard Ababou: batterie, percussions
Après avoir étudié la guitare à l' Ecole normale supérieure de musique Alfred Cortot, joué de la musique contemporaine, classique et médiévale, composé des musiques de cinématographe et de réclame, d'ascenseur et de piscine, Jean de Aguiar unifie ses envies en jouant du Jazz de sa composition. Cela valait la peine d'attendre.
Tout en douceur. La contrebasse ronronne. Le batteur souligne très légèrement aux balais. Clarté du son de la guitare. Chaque note est bien détachée. La formation classique s'entend. Effets d'eau avec les percussions. Fluide. Après un long chemin sinueux, ils parviennent à une mélodie simple, claire, limpide. Que du bonheur! Voyage lent et confortable vers des horizons lointains. Ils ont enchaîné deux morceaux: " Inner House Blues " et " Madiba " (nom du clan de Nelson Mandela).
Roulements de tambour pour commencer. L'orage gronde aux maillets. Le batteur installe une tension rythmique sur les bords de caisse tout en douceur. Un rythme entraînant. " Terra Umbra " (cf vidéo sous l'article). Ca avance et ça recule en même temps. Envoûtant. Les percussions résonnent avec les cordes de la guitare. La contrebasse marque le tempo. C'est si bon que ça pourrait être brésilien. " Excellent ", " génial " s'exclament des spectateurs enthousiastes.
Un autre air chantant bien ponctué en douceur par basse et les percus. Enchaînement sur ce qui ressemble à un air antillais genre Henri Salvador.
" Le testament d'Amélie ", un morceau médiéval catalan arrangé par Jean de Aguiar. Solo de guitare grave, profond, mystérieux. Un tempo lent, majestueux. Cette musique impose une telle densité de silence dans la salle que j'entends, venue de derrière, la rumeur des buveurs installés en terrasse, un étage au dessus, dans la rue. Pas de porte pour couper le son. Nous sommes dans un club de Jazz, pas dans une salle de concert. Enchaînement sur un solo de contrebasse. Lui aussi majestueux, sur un tempo plus rapide. La guitare enchaîne avec un son de théorbe. Ponctuations subtiles du batteur aux balais.
Solo de batterie tout en finesse. Du massage de peaux. La guitare parsème d'arabesques virevoltantes. Castagnettes derrière. La contrebasse tient le tempo. Un délice. De la crème pour les oreilles.
Solo de contrebasse. Les notes rebondissent lentement. Philippe Monge passe à un slap plus funky. Une sorte de Blues lent s'installe. Gérard Ababou, aux balais, malaxe doucement. Jean délivre ses notes avec parcimonie, juste ce qu'il faut. Du Mississipi nous passons insensiblement à l'Espagne. Un temps de dégustation avant d'applaudir. " Si j'avais un string, il serait sur la scène mais j'ai pas de string " lance une spectatrice enthousiaste.
Solo de guitare en intro. La beauté calme les spectateurs enhardis. Progressivement, le trio démarre. Toujours aux balais. En souplesse. Quelques effets liquides des percus et ça repart sur un rythme plus soutenu. Citation de " Smoke on the water " de Deep Purple. " Excellent " dit, à chaque fin de morceau, le même spectateur. Il manque de vocabulaire comme le lui fait remarquer sa voisine, celle qui ne porte pas de string. Ce soir, les spectateurs sont plus agités que les musiciens.
Ballade en duo guitare/contrebasse. Choix stylistique valable ouï le morceau. La spectatrice sans string le regrette. A tort, je trouve. De l'étage nous parviennent la rumeur des buveurs et le son de Stan Getz.
Le trio démarre en souplesse. Le batteur fait son concert aux balais ce qui est assez rare pour être signalé. C'est dans l'esprit de cette musique. Des figures orientales ponctuées par les percussions. Sonorité de sitar à la guitare. Jean de Aguiar porte plusieurs mondes en lui: Portugal, Espagne, Afrique du Nord, Inde, Amérique, France. C'était " Mica " (hommage à une amie disparue) et " Ellipse ".
D'en haut nous parvient " So danco Samba " une bossa nova par Joao Gilberto et Stan Getz. Après une intro zigzagante, le trio file droit mais de façon sinueuse, comme un serpent dans l'herbe. . Ca balance en souplesse. Le bassiste tient le tempo, le batteur attise le feu, lea guiatre tisse sa toile et nous enveloppe doucement. Le spectateur enthousiaste quitte la salle, laissant seule sa voisine sans string. Elle ne parle plus mais écoute. Tant mieux pour la musique et ses voisins.
Après " Le testament d'Amélie " (El testament d'Amelia, chanson catalane traditionnelle) , voici la seule composition qui ne soit pas l'œuvre de Jean de Aguiar, les " Fables of Faubus " de Charles Mingus. La contrebasse gronde comme il se doit. Le batteur malaxe toujours aux balais. La ligne de cuivres est remplacée par la guitare acoustique, instrument que Mingus utilisa dans sa musique de ballet " The Black Saint and the Sinner Lady ". Belle version avec tension et douceur qui s'équilibrent.
" Shining sunbeams ". Contrebasse à l'archet. Le batteur installe un léger clapotis qui parsème les notes étirées de la contrebasse. Le guitariste projette ses doigts de rose. Petit à petit, cela s'anime. Le soleil émerge de plus en plus puissant.
L'album " " de Jean de Aguiar est vendu dans une série limitée de 100 exemplaires. Bien plus rare, moins cher, moins polluant et plus utile que les éditions limitées des voitures Ferrari.