Histoire du soldat, d'après C.F. Ramuz et I. Stravinsky, à l'Opéra de Lausanne

Publié le 29 septembre 2018 par Francisrichard @francisrichard

Hier avait lieu, cent ans, jour pour jour, après la création, dans le même lieu, le Théâtre municipal devenu Opéra de Lausanne, la première représentation de l'Histoire du soldat, dans une version revue et corrigée par le metteur en scène Alex Ollé.

Il vaut mieux lire le texte d'Histoire du soldat (dans son édition de 1946, tel que publié aujourd'hui par Plaisir de lire) après avoir vu cette représentation de la pièce musicale du duo Ramuz-Stravinsky. Cela évitera au lecteur d'être grandement déçu...

Car le metteur en scène prend des libertés avec le texte, ce qu'il appelle pompeusement réaliser un travail dramaturgique, avec des ajouts plus ou moins contemporains. Son but a été avec ses comparses Valentina Carrasco, Ramon Simo et Julia Canosa:

- de le doter d'une plus grande envergure scénique

- de raconter au public une histoire qui, pour être réelle, revêt de la valeur à l'époque actuelle.

Fort bien, mais le résultat est de faire d'une oeuvre intemporelle, une oeuvre datée et complaisante, excessive, ce qui lui enlève toute réelle signification en profondeur... avec, de plus, quelques scènes de mauvais goût, voire grand-guignolesques...

Les décors étaient les bords d'un ruisseau, la campagne avec un clocher de village à distance et une chambre princière. Ils sont devenus, par exemple, une chambre d'hôpital et de violentes images de la guerre d'Irak projetées sur un mur à catelles.

L'argument du livret, inspiré de deux contes d'Alexandre Afanassiev, est au fond très faustien: le soldat, qui a déserté, échange avec le diable son violon sans valeur contre un livre qui dit les choses avant le temps et lui apportera fortune et bonne fortune.

En fait le soldat va de déconvenues en déconvenues. D'être riche ne l'empêche pas d'être mort parmi les vivants, ne lui apporte pas le bonheur. Si bien qu'il se rend compte qu'il a été dupé par le diable et qu'il se demande comment faire pour ne rien avoir...

Les musiciens sont en surplomb de la scène, et c'est très bien. Car, comme commente Philippe Girard dans l'actuelle édition de Plaisir de lire, Stravinsky, en composant sa musique originale et cohérente, organise les sons comme le poète organise les mots...

Alex Ollé explique d'ailleurs: Alors que le soldat gît dans un lit d'hôpital dans la partie inférieure de la scène, donnant du poids au côté terrestre du personnage, la musique souligne ses états émotionnels et surgit d'un monde pour ainsi dire spirituel...

Dans la pièce musicale originelle il y avait trois personnages parlant: le lecteur, le soldat et le diable; et un muet: la princesse. Hier il y avait trois personnages parlant en un, interprété par Sébastien Dutrieux, qui monologue donc pendant une heure et demie.

Le chroniqueur musical de 24 Heures, Matthieu Chenal donne une clé de cette fusion (ou confusion): Le propos d'Alex Ollé de la compagnie catalane La Fura dels Baus parle d'un monde aujourd'hui globalisé, où le soldat et le diable ne font qu'un.

Six autres personnages figurent sur scène, tous muets. Ils contribuent à faire de ce conte un grand spectacle, conforme aux ambitions du metteur en scène qui, au-delà des intentions des auteurs, invite à réfléchir sur le drame de l'homme écrasé par le système...

Francis Richard

Accès:

Opéra de Lausanne

12, avenue du Théâtre

1005 Lausanne

Représentations:

Ve 28 septembre 2018: 20h

Sa 29 septembre 2018: 15h

Sa 29 septembre 2018: 18h

Di 30 septembre 2018: 11h

Di 30 septembre 2018: 15h

Réservations: http://www.opera-lausanne.ch

Jeu: Sébastien Dutrieux

Septuor instrumental: François Sochard, Marc-Antoine Bonanomi, Davide Bandieri, Axel Benoit, Nicolas Bernard, Alexandre Faure, Arnaud Stachnick

Mise en scène:Àlex Ollé (La Fura dels Baus)

Collaboration mise en scène: Ramon Simó et Valentina Carrasco

Décors et costumes: Lluc Castells

Vidéo: Emmanuel Carlier

Lumières:  Elena Gui et Urs Schönebaum

Son: Josep Sanou

Dramaturges: Àlex Ollé, Valentina Carrasco, Ramon Simó, Júlia Canosa

Assistante mise en scène: Sandra Pocceschi

Assistante décors: Mercè Lucchetti

Assistantes costumes: Mercè Lucchetti et Maria Armengol

Livret (édition de 1946) et commentaires sont publiés chez Plaisir de lire: