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Apprends-moi à danser, de Louis de Saussure

Publié le 29 septembre 2018 par Francisrichard @francisrichard
Apprends-moi à danser, de Louis de Saussure

Y-a-t-il un âge pour écrire ses mémoires? Non. Louis de Saussure a bien décidé d'en écrire, de provisoires certes, mais à cinquante ans.

Dans ces mémoires, intitulés Apprends-moi à danser, il raconte les siens d'abord, puis les gens et les lieux.

Il y a deux épigraphes à son livre:

- Une magnifique phrase du poète Salah Stétié:

Chacun de sa larme secrète, arrose une fleur connue de lui seul.

(Elle éclaire la dédicace du livre à tous les siens, passés, présents et futurs)

- Un extrait de l'homélie de la Résurrection de Jean Chrysostome

(Cette homélie éclaire le penchant pour l'orthodoxie de l'auteur qui, de baptisé catholique, est devenu tout de même agnostique: J'eus vite le sentiment que l'orthodoxie était une joie quand le catholicisme était une peine.)

Les siens ? Ses parents surtout:

- Un père qui était éternel: Il approchait la soixantaine quand je suis né et je l'ai toujours connu âgé.

- Une mère qui était de vingt ans plus jeune que son père.

L'ascendance paternelle est aristocratique française, devenue helvétique:

Je revois un monde clair et franc, sans place pour la compromission, un monde où régnait le soleil de la droiture, où ce qui importait était de pouvoir se regarder sans reproche dans un miroir, avec tout le courage que cela supposait, et que cela avait dû supposer dans les années noires, en somme, un monde où les petits arrangements entre soi étaient regardés avec le mépris le plus profond.

L'ascendance maternelle est aristocratique russe:

Il y a dans la douceur russe un certain fatalisme nonchalant, concentré dans l'exaltation hésitante et l'émotion intellectuelle de certains personnages de romans plus ou moins inadaptés, idéalistes ou fous, tournoyant jusqu'à l'épuisement sans jamais rien résoudre.

Ces mondes façonnent l'auteur, mais il est un moment, dans la vie, où il doit apprendre à danser, et, curieusement, ce ne sont pas ses ascendants qui le lui apprennent. Il l'apprend tout seul, comme tout le monde, par cette sorte de révélation qui fait venir en soi la maturité:

Nous comprenons d'un coup tous ces mots, tempus fugit, carpe diem, vita brevis qui passent du latin des adultes, passés par là avant nous, et incapables de nous en faire saisir le sens, au français le plus limpide, et signifient qu'il faut, comme dit Sénèque, apprendre à danser sous la pluie et non attendre en vain que passe l'orage.

A quel âge, a-t-il appris à danser sous la pluie? Louis de Saussure ne le dit pas, mais il faut croire que d'autres influences, humanistes, bien dans l'esprit de l'homélie de Jean Chrysostome, y sont pour quelque chose:

- la plongée à sept ans dans le monde cosmopolite de l'école française de Genève;

- la découverte de l'île de Naxos à dix-huit ans avec son ami Augustin, où, occidental avéré, il put satisfaire sa nécessité d'Orient:

De la Grèce j'ai tout aimé immédiatement. Ce fut un coup de foudre inconditionnel et total.

Le lecteur n'est donc pas surpris quand, à la fin de ces mémoires, qui seront certainement peaufinés, ou prolongés, plus tard, mais qui ne laissent pas déjà d'être séduisants, il cite cette injonction évoquée plus haut, qui clôt Zorba le Grec, le film de Michael Cacoyannis, après la catastrophe de la fermeture de la mine de lignite:

Apprends-moi à danser.

Ou apprends-moi à surmonter les vicissitudes de l'existence...

Francis Richard

Apprends-moi à danser, Louis de Saussure, 160 pages, Éditions de l'Aire


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