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Au moment d’écrire ces lignes, je suis plongé dans la lecture d’un livre biblique, le Qohélet. C’est un étrange écrit. Il détonne avec le reste des livres qui composent la Bible. Mais il est drôlement intéressant. Il interroge ce qui fait le bonheur. Tout le monde connaît sans doute le second verset : « Vanité des vanités, dit Qohélet [l’Écclésiate], tout est vanité ! » Les hommes passent, le monde, le jour, la vie, la joie, le travail; bref, la condition humaine étant ce qu’elle est, tout passe. Les experts exégètes qui se penchent sur ce texte vieux de 25 milles ans, présentent d’autres traduction à la place du mot ‘vanité’ (hébreux, hével). Ma préférence va pour le mot ‘impuissance’ : « Impuissance de la puissance, tout est impuissance. »
Les progressistes carburent, eux, aux changements, au progrès, à la nouveauté. Le changement est toujours sur leurs lèvres. Qui est contre le changement ? Qui houspille contre le progrès ? Le progressiste a le vent dans les voiles. Au contraire, le conservatisme a mauvaise presse. John Stuart Mill (1806-1873), député whig au Parlement de Londres déclarait : « Le parti conservateur [tory] est, de par sa composition même, le parti le plus stupide.»[1] Dans la joute parlementaire, on peut croire que le mot était de bonne guerre. Appeler à nuancer ses propos, Mill signa et persista: «Ce que j’affirmai, c’était que le parti conservateur, de par la loi de sa constitution, était nécessairement le plus stupide parti. Et je ne retire pas cette affirmation; mais je ne voulais pas dire que les conservateurs sont généralement stupides; je voulais dire que les gens stupides sont généralement conservateurs. »[2]
Les démocrates (les progressistes) aux USA se plaisent à qualifier Donald Trump de stupides – pour ne pas dire autres choses de plus méchant encore.
Qohélet, un sage conservateur, ne fait que reconnaître la sagesse du monde, à savoir: plus ça change, plus c’est pareil. Qu’à va-t-on passer à autre chose ? Va-t-on en finir un jour avec le progressisme, en reconnaissant, une fois pour toutes, ce qui demeure à travers le changement ? Sans le réaliser, nous sommes les adeptes de Héraclite d’Éphèse qui, il y plus de 25 milles ans, affirmait que tout change. Or, pour pouvoir dire que tout change, il faut bien qu’il y a des choses qui demeurent, non ? Le philosophe grec errait. Qohélet, de sa Palestine, lui répond : tout coule, mais quelque chose demeure : YHVH.
Au Québec, depuis 1960, le progressisme à mis K.O. le conservatisme. Nous avons diabolisé le conservatisme en noircissant à grands traits l’Union Nationale de Maurice Duplessis. La Grande Noirceur.
Manon ‘Marxisme’ Massé affirme que la lutte contre le réchauffement climatique est celle du socialisme. Je ne comprends pas. Celui ou celle qui se déclare maintenant socialiste, c’est ceux qui luttent contre les changements climatiques ? N’est-ce pas ce que font Couillard et Macron ? Sont-ce dès lors deux adeptes du socialisme, contrairement à Trump qui n’y croit pas ? Manon Massé mélange plus qu’elle n’éclaire.
Ce qui m’afflige plus que tout, ce sont ces jeunes qui boivent à l’ivresse les paroles de cette communicatrice hors-pair. Les jeunes, on le sait, carburent aux changements. Ils ont l’esprit tendu vers les promesses révolutionnaires de l’héraclitéenne. Le conservatisme, c’est pour les vieux, les vieux réac, assis sur leur derrière, confortablement, détestant profondément le changement. C’est là une attitude progressiste par excellence.
Adrien Pouliot, chef du parti conservateur du Québec, n’a pas la cote. On comprend. Pour les progressistes, qu’ils soient libéraux, caquistes, péquistes ou solidaristes, le PCQ constitue un véritable dinosaure. Une sorte d’extra-terrestre, quoi !
Cependant, il y a de ces progressistes qui, tel le cinéaste Bernard Émond, ne sont pas du tout prêt à embrasser les diktats progressistes ‘main stream’. Il y a quelque chose à conserver d’important. Quoi ? La religion catholique, par exemple, qui a tant marqué le Québec, ou plutôt le Canada français. Émond se désole de cette perte incommensurable. Sa trilogie des vertus théologales en témoigne.
Les progressistes athées et agnostiques militent farouchement pour qu’on enlève le crucifix pendu au mur de l’Assemblée nationale, posé là par l’Union nationale de Duplessis. Pourtant, Maurice Duplessis voulait par là faire une pied-de-nez aux progressistes libéraux d’Ottawa ne jurant que par la couronne britannique adepte de l’anglicanisme. Nous, de la province du Québec, nous ne nous agenouilleront jamais devant la couronne d’Angleterre soumise à l’anglicanisme. Nous sommes catholiques, et la croix est le symbole des premiers chrétiens (ainsi que les poissons). Il est vrai que la croix n’est pas le symbole officiel de l’Église catholique, mais elle autorise sa désignation. Les progressistes, eux, veulent bannir de l’Assemblée nationale, ce symbole par trop orienté vers le catholicisme. C’est d’ailleurs l’un des objectifs principaux du Mouvement laïque québécois : éradiquer à jamais le catholicisme de la mémoire du Québec.
De toute façon, qui a peur du PCQ ? Il n’est même pas dans la course. Personne n’en entend parler. Si personne n’en parle, alors quoi ? Qohélet est un livre de la Bible, et personne ne le lit plus - ou presque. Il se pourrait qu’un jour on le redécouvre, et qu’on se dise : « Vraiment, ce livre est important; il nous parle aujourd’hui, même s’il a été rédigé il y a des lunes. ».
Idem pour le parti conservateur. Au Royaume-Uni, 75% du temps, ce parti fut au pouvoir au XXe siècle. En 1979, lorsque Margaret Thatcher pris le pouvoir, pendant toute une décennie, elle dénationalisa ce que le Labour Party avait nationalisé ce qui conduisait le Royaume-Uni sur une pente fatale.
Manon ‘Marxiste’ Massé fera dans la nationalisation. Allons-nous, ainsi, glisser sur une pente fatale ?
[1]John Stuart Mill, Autobiographie, Paris, Aubier, 1993, p. 235. [2]John Stuart Mill, Autobiographie, Paris, Aubier, 1993, p. 235. Mill répondait directement à Sir John Pakington.