Est-ce là le paradis ? Une zone blanche non polluée par les ondes, coupée du monde, d’où toutes les peurs du moment sont bannies : on ne mange pas de viande, on n’écoute pas de ces musiques dites actuelles, je jugerais qu’on n’y produit pas de déchets ou qu’on y recycle tout. Mais c’est surtout le lieu de l’amour, total l’amour, pas que dans les têtes, c’est très physique. Toute la communauté réunie à Liberty House (un anglicisme, bien sûr) éprouve une admiration sans faille pour Arcady, un gourou, dit la grand-mère de Farah.
Farah est arrivée à Liberty House avec ses parents alors qu’elle n’a pas encore quinze ans. C’est elle qui raconte, qui nous fait découvrir ce monde et qui nous parle d’elle sans détour, de ses désirs, de ses inquiétudes : est-elle une fille ? est-elle un garçon ? Est-elle l’avenir de l’humanité ?
Mais le monde autour de Liberty House existe : le collège, les boites de nuit, et même les migrants (on n’en voit qu’un mais on devine tous les autres). Est-ce que l’amour qui est vécu dans la communauté peut sortir de la communauté ? Si non, la communauté n’est-elle pas condamnée ?
Ce livre d’Emmanuelle Bayamack-Tam n’aurait pas pu être écrit avant. Il prend dans son langage des mots d’aujourd’hui sans tomber comme d’autres dans la complaisance d’un langage à la mode. Il charrie des phrases écrites par des auteurs du XIXe et du XXe siècles, les modifiant un peu, adaptées à la situation à laquelle elles collent. Cette réutilisation fait bouger la littérature qui n’est pas à conserver dans des sarcophages mais bien à frotter au temps qui passe.
Farah incarne une utopie.