Hier, l'Argentine a été paralysée par une grève générale comme le pays en a peu connue depuis longtemps : pas de transports publics, pas de services publics, la plupart des commerces fermés (banques, supermarchés d'enseigne de la grande distribution, assurances) ainsi que les écoles, les universités et des hôpitaux au service perturbé. Des rues vides dans la plupart des grandes villes à commencer par Buenos Aires. Le mot d'ordre venait de la CGT mais les autres syndicats avaient eux mêmes mis leurs adhérents à contribution dès lundi en fin d'après-midi.
C'est la quatrième grève générale depuis l'arrivée au pouvoir national de Mauricio Macri, il y a moins de trois ans. Comme le fait remarquer, dans les colonnes de Página/12, la journaliste d'opposition María Seoane, ancienne directrice de Radio Nacional, il n'y a eu que cinq grèves générales sous les trois mandats de Néstor puis Cristina Kirchner (2003-2015). Cette comparaison est une information en soi.
Pendant ce temps, le président Macri était à New York pour l'assemblée générale de l'ONU, devant laquelle il a tenu hier un discours de onze minutes plein d'autosatisfaction et de commentaires embarrassés attribuant l'actuelle crise de son pays à de grands changements. Des euphémismes. Auparavant, il avait reçu un prix d'une organisation financière qui récompense les dirigeants qui mettent en œuvre ses théories ultra-libérales de déréglementation tous azimuts. Pour fêter cela, le président argentin a dansé... pendant que le peuple de son pays était déjà dans la rue. C'est charmant ! Les dirigeants syndicaux ne sont pas prêts de lui pardonner une telle marque de mépris à l'égard des gens dont sa politique est en train de détruire le présent et l'avenir.
De surcroît, c'est le moment que le gouvernement national a "choisi" pour révoquer le gouverneur de la Banque Centrale, Luis Caputo, un homme de confiance de Mauricio Macri, qui a cru pouvoir ralentir la chute du peso en vendant à tour de bras les dollars de la réserve nationale (1), et nommer à sa place le numéro 2 du ministère de l'Economie, un choix qui semble avoir été dicté par FMI, pendant que Macri négociait à New York avec Christine Lagarde, à grands renforts de commentaires spécieux (2), les nouvelles conditions du prêt milliardaire déjà accordé il y a quelques mois. Quelques heures après l'annonce des changements à la tête de la Banque Centrale, le FMI annonçait publiquement l'accord avec l'Argentine. On ne dit pas mieux la perte de souveraineté du pays au profit du Fonds, comme cela s'est produit, il y a quelques années, en Grèce, et dans tous les pays au secours desquels le Fonds s'est officiellement porté.
C'est le troisième gouverneur de la Banque Centrale nommé par cette majorité gouvernementale depuis la prestation de serment du président, le 10 décembre 2015, et l'homme détient 44% de sa fortune dans des paradis fiscaux. Encore un ! Et il en est fier, comme les autres...
D'après Clarín, c'est Caputo lui-même qui a dû prendre son téléphone pour convaincre le président que seul son départ permettrait d'arriver à un accord avec le FMI. La conversation aurait durer deux heures.
lire l'éditorial écœuré de La Prensa sur la gouvernance de la Banque Centrale, une analyse très sévère sur les personnalités nommées successivement à sa tête, des "oiseaux de passage" (nous dirions ) plutôt que "des hommes d'Etat"
(1) Autre scandale de ce gouvernement : on a surpris ce gouverneur de la Banque Centrale en train de prendre le soleil sur une plage au Brésil pendant un long week-end (dû à une fête nationale) pendant que le peso faisait le grand plongeon par rapport au dollar. On aurait aimé qu'il soit à son bureau en train de défendre la devise nationale. La photo circule et Página/12 la publie à chaque fois qu'il en a l'occasion.
(2) Mauricio Macri s'est produit de rendre tous les Argentins amoureux de Christine . Ce n'est pas la première fois que le président argentin se laisse aller à des propos sexistes. C'est un habitué du genre. Ce qui est étonnant, c'est qu'il ose ce genre de métaphore dans un tel contexte. Inutile de dire que Página/12 ne laisse pas échapper l'occasion de se payer sa tête.