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J'appelle "conscience" cette lumière en laquelle tout vient au jour.Je pourrais aussi bien la nommer "inconscience", pour les raisons que j'ai dites ailleurs, mais tout bien pesé conscience convient aussi bien.Il y a un beau passage à ce sujet dans le livre Dieu existe de Frédéric Guillaud, dont j'avais parlé il y a cinq ans (déjà !). Il rejoint mes remarques à ce sujet :"L'objet naturel du regard humain ce sont les choses colorées. il va de soi que notre attention se porte d'emblée sur ces dernières. Pourtant, cette vision en suppose une autre, plus fondamentale, à laquelle nous ne prêtons pas attention : la vision de la lumière. La lumière est ainsi la condition de possibilité inaperçue, et en ce sens invisible, de toute vision. La lumière blanche, la luminosité infinie, pure de toute diminution, est la condition nécessaire de toute vision des différentes couleurs particulières. La vision implicite, irréfléchie, non thétique [=qui n'est pas vue à la manière dont on voit un objet, un "cela"] des choses colorées qui en sont la diffraction. De même, selon une très frappante inégalité de rapports, la perception implicite de l'infini est la condition de possibilité de la perception explicite du fini. Que cette vision, cette perception soient non thétiques est une nécessité. Si elles ne l'étaient pas, la vision de la lumière blanche, prise réflexivement comme objet, ferait obstacle à la vision des couleurs particulières. L'erreur serait en effet de penser que la lumière et l'infini doivent d'abord être vus thétiquement, comme des choses, comme des objets, pour permettre ensuite la vision des choses colorées, et des choses finies. Une telle interprétation "chosifiante" [de la lumière blanche et de l'infini] nous conduirait à des absurdités psychologiques et à une mécompréhension profonde de la thèse que nous examinons [à savoir, la présence en nous d'une intuition de l'infini prouve l'existence de Dieu]. Mais de même qu'il est possible dans un second temps temps d'acquérir, par une variation de l'attention, une vision explicite de la lumière, il est possible, par un mouvement de retour sur soi, de prendre l'ouverture à l'infini de notre subjectivité comme un objet propre de considération. Cette remontée vers les conditions de possibilité de l'expérience la plus anodine constitue à coup sûr le point de départ de l'aventure métaphysique [et mystique]. C'est à partir de cette réflexion [et de ce retournement de l'attention] que l'intelligence philosophique en viendra à théoriser clairement l'idée selon laquelle cette ouverture elle-même suppose l'existence d'un être infini qui en soit l'origine. Malheureusement, cette réflexion peut n'avoir jamais lieu. Absorbés par le spectacle bariolé des couleurs, certains restent aveugles à la lumière, qui pourtant les leur fait voir, et se privent ainsi du plus grand émerveillement qui soit, celui qui naît non du contenu du spectacle, mais de la merveille des merveille : qu'il y ait un spectacle." (Dieu existe, pp. 373-374)Ce retournement de l'attention vers l'ouverture est, en effet et de fait, ouverture ou miracle, c'est-à-dire transcendance, lieu hors nature, inattendu, insoupçonné, radicalement décalé ; et pourtant intime, plus évident que n'importe quelle chose, que n'importe quelle idée. Hypnotisé jusque-là par les choses, je m'éveille à l'espace qui accueille les choses, comme le suggère ce portrait célèbre d'Ersnt Mach, portrait d'un homme, ou de... ?