Quand on a longtemps vécu seul,
que la grive solitaire lance son appel et reçoit une réponse,
que la grenouille-taureau, tête à demi hors de l’eau, fait entendre
les cantillations qu’elle chantait à son premier printemps,
que le serpent s’aplatit sous le seuil de la porte
et s’éloigne en rampant parmi les pierres, on voit
que tous vivent pour s’accoupler avec les leurs, et on sait,
après une longue période de solitude, après ces nombreux pas
qui éloignent de son espèce et conduisent vers d’autres règnes,
que la fervente prière que recèle son propre chant
demande à revenir, si on le peut, vers les siens,
monde presque disparu, dans l’exil qui se densifie,
quand on a longtemps vécu seul.
*
When one has lived a long time alone,
and the hermit thrush calls and there is an answer,
and the bullfrog head half out of water utters
the cantillations he sang in his first spring,
and the snake lowers himself over the threshold
and creeps away among the stones, one sees
they all live to mate with their kind, and one knows,
after a long time of solitude, after the many steps taken
away from one’s kind, toward these other kingdoms,
the hard prayer inside one’s own singing
is to come back, if one can, to one’s own,
a world almost lost, in the exile that deepens,
when one has lived a long time alone.
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Galway Kinnell (1927-2014) – When One Has Lived a Long Time Alone (Knopf, 1990) –
Quand on a longtemps vécu seul (La Nouvelle Escampette, 2017) – Traduit de l’américain par Pascale Drouet.