Marc Van Dongen se résout à parler de Genève, malgré qu'il en ait. En effet, dit-il d'emblée, rien que de penser aux lieux de cette ville où il habite, stationne ou est en transit, il ressent une gêne, un pincement au coeur, un saisissement d'effroi quelquefois: il exagère à peine.
Dans le même temps, il ne peut s'empêcher d'en parler parce qu'autrement ce serait admettre que son monde n'existe pas dans ses particularités visuelles immédiates. Ce qu'il refuse. Pour ne pas être frappé d'irréalité... En écrivant sur eux, il peut se perdre de vue: c'est une chance...
Ces lieux sont au nombre de vingt-huit. Ils font partie du cadre de son existence, ce depuis l'âge dit de raison jusqu'à aujourd'hui, soit sur plus de trente ans. Ce sont des repères qui la jalonnent, mais dont il est difficile de dire pour autant qu'ils suscitent en lui de l'enthousiasme.
Seulement ils furent pour lui le théâtre d'instants de bonheur ou de malheur, et à ce titre, ils l'ont fait et continueront à le faire. Un chemin lui rappelle une camarade d'école d'origine haïtienne; une allée, une amourette sportive brièvement érotique; une route, une piteuse chute à moto.
Le périmètre intérieur de l'auteur est à géométrie variable. Il peut se réduire à deux souffrances, celle de sa première aimée et la sienne, c'est-à-dire deux mètres carrés à peine, découpés dans la pénombre de la ville ou trouver sa place dans six mètres carrés d'une cuisine douillette.
Condenser l'espace lui permet en tout cas de circuler dans le périmètre des pensées, sur le réseau routier interne, à travers les strates et les tunnels du temps, d'aller à l'ombre des parcs et des allées du dedans, par les chemins de l'espace privé, sur les voies silencieuses de la ville intérieure.
Francis Richard
Le périmètre intérieur, Marc Van Dongen, 108 pages, éditions d'autre part