[Critique série] SHARP OBJECTS – Saison 1

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Sharp Objects

Note:
Origine : États-Unis
Créateur : Marti Noxon
Réalisateur : Jean-Marc Vallée
Distribution : Amy Adams, Patricia Clarkson, Eliza Scanlen, Chris Messina, Matt Craven, Henry Czerny, Taylor John Smith, Madison Davenport, Elizabeth Perkins…
Genre : Drame/Thriller/Adaptation
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 8

Le Pitch :
Camille Preaker, une journaliste au parcours chaotique, est envoyée par son rédacteur en chef dans sa ville natale pour couvrir le meurtre d’une adolescente. L’occasion pour la jeune femme de retrouver sa mère, avec laquelle elle a toujours entretenu des rapports conflictuels…

La Critique de la saison 1 de Sharp Objects :

Véritablement révélé au grand public avec C.R.A.Z.Y., Jean-Marc Vallée a ensuite méchamment cartonné avec Dallas Buyers Club avant d’offrir à Reese Whiterspoon son meilleur rôle dans Wild. Demolition par contre, son drame avec Jake Gyllenhaal, n’a pas remporté autant de suffrages. C’est alors que le québécois est parti sur le petit écran pour mettre en boite tous les épisodes de la première saison de Big Little Lies. Une expérience qui lui a manifestement plu (en plus d’avoir été saluée de toutes parts) vu qu’il est aujourd’hui de retour derrière la caméra pour emballer à nouveau l’intégralité de la mini-série Sharp Objects. Une nouvelle adaptation d’un roman, à savoir Sur ma peau, de Gillian Flynn (l’auteure de Gone Girl). Et Vallée de prouver à quel point il a le nez creux mais aussi combien il est doué pour saisir l’insaisissable et illustrer des histoires complexes. Car autant le dire d’emblée : Sharp Objects, c’est vraiment du lourd !

Mutilation

Cette mini-série de 8 épisodes suit une journaliste au passé compliqué. Alcoolique, elle vient juste de sortir d’un hôpital psychiatrique quand débute l’histoire. Fragile, le corps parcouru de cicatrices en formes de preuves d’une souffrance qui a commencé à se faire entendre il y a bien longtemps, alors qu’elle n’était qu’une enfant, Camille est pourtant toujours débout et décide d’approuver la décision de son rédacteur en chef quand celui-ci l’envoi couvrir une affaire de meurtre dans sa ville natale. Et c’est sur les hurlements d’un Robert Plant à nouveau jeune et fougueux sur les enregistrements de Led Zeppelin que Camille revient dans cette bourgade qui l’a vue naître mais qui a aussi connu son lot de drames. Une ville dans laquelle va se passer l’intégralité de l’action. Un lieu peuplé de fantômes, gangrené par le mensonge et la violence de sentiments refoulés et de remords difficiles à exprimer.
Avec la sensibilité qui est la sienne, Jean-Marc Vallée adopte ici le même genre d’approche qu’avec Big Little Lies, si ce n’est qu’avec Sharp Objects, la tonalité est beaucoup plus pesante. Glauque parfois. De plus en plus en tout cas, tandis que le scénario illustre la pression croissante qu’exerce un environnement devenu toxique sur le personnage principal. Mais on retrouve beaucoup de points communs dans la mise en scène. Il y a aussi ces flash-backs et cette déconstruction de l’action. Vallée refuse toujours la linéarité pour mieux prendre par la gorge le spectateur qui se retrouve ici, encore plus qu’avec Big Little Lies, à sa totale merci. Sans oublier ces indices savamment disséminés, qui participent à la dynamique d’une œuvre dense en forme de jeu de piste pesant et parfois malsain.

Résilience

Doté d’un scénario en or massif, Jean-Marc Vallée peut avancer sereinement dans l’intrigue et faire ce qu’il sait faire de mieux, c’est à dire diriger ses acteurs. Sans avoir peur de les pousser dans leurs derniers retranchements. Au premier plan, Amy Adams va très loin. Également productrice, elle a d’ailleurs d’ores et déjà affirmé qu’il n’y aurait pas de saison 2. Jouer Camille Preaker fut trop intense. Trop perturbant sur le long terme. Et en effet, on la comprend car ici, Amy Adams donne tout. En écorchée vive confrontée à une situation inextricable aux ramifications non seulement imprévisibles mais aussi totalement nocives, elle livre l’une des grandes performances de sa carrière. Le genre qu’on se doit de récompenser avec une cargaison de statuettes diverses et variées.
Le fin du fin étant qu’Amy Adams ne tire jamais la couverture à elle tant ses partenaires de jeu ont aussi largement l’occasion de briller. À commencer par la perturbante et impériale Patricia Clarkson et par la jeune et déjà incroyablement talentueuse Eliza Scanlen.

Cauchemar éveillé

Sharp Objects donne l’impression de se dérouler dans une distorsion de la réalité. Parfois, on se croirait presque dans La Quatrième Dimension. Dans une version particulièrement abrupte de La Quatrième Dimension, où les monstres et autres éléments purement fantastiques auraient cédé la place à des personnages affublés de masques ordinaires qui peuvent tout aussi bien ne rien cacher du tout ou bien dissimuler la pire des perfidies. Si le stratagème narratif fonctionne si bien, c’est qu’ici, tout le monde semble admirablement se caler sur la même fréquence. La précision de la démarche est hallucinante. Le sens du détail aussi. Que ce soit au niveau de la mise en scène, de la musique ou même de la photographie, rien n’est laissé au hasard et la pression est constante.
Difficile de lâcher l’affaire. Sharp Objects est une série qui se regarde rapidement. Car si elle s’avère à bien des égards inconfortable, elle demeure passionnante tout du long et comporte également une fin parfaitement amenée et ô combien perturbante.

En Bref…
Sharp Objects laisse groggy. Pas dans le sens où elle ne répond pas à certaines des questions restées en suspend car elle répond aux plus importantes. Ce n’est pas une série prétentieuse en cela qu’elle privilégie la cohérence au sensationnalisme pour mieux toucher sa cible et marquer les esprits. Elle s’apparente à une lente et malsaine mélopée, pilotée de main de maître par un réalisateur en état de grâce et portée par une actrice totalement investie. Un coup de maître. Probablement l’une des meilleures choses que vous pourrez voir à la télévision cette année.

@ Gilles Rolland

   Crédits photos : OCS/HBO