Demisery

Publié le 24 septembre 2018 par Morduedetheatre @_MDT_

Critique de Misery, de William Goldman d’après la nouvelle de Stephen King, vu le 23 septembre 2018 au Théâtre Hébertot
Avec Myriam Boyer et Francis Lombrail, dans une mise en scène de Daniel Benoin

La nouvelle avait surpris lorsqu’elle avait été annoncée la saison dernière : Francis Lombrail et Myriam Boyer en duo dans Misery, l’adaptation du roman de Stephen King. L’affiche qui a suivi a divisé : certains la trouvaient trop sombre, d’autre plutôt inquiétant. Pour ma part je dois dire qu’elle m’intriguait : un peu obscure, certes, mais la tête immense de Myriam Boyer qui semble écraser un Francis Lombrail bénéficiant pourtant d’une lumière assez fascinante attirait malgré tout mon oeil.

Paul Sheldon est un auteur à succès, créateur du personnage de Misery qui a donné son nom à la série éponyme contentant 9 tomes. Le dernier sort justement en librairie alors que Paul se réveille après un accident de voiture : une jambe cassée, une épaule démise, et une femme qui l’observe. C’est Annie, infirmière de profession, et fan n°1 de l’auteur, qui l’a recueilli chez elle après son accident. Elle lui voue un culte, et trouve dans Misery une amie qui accompagne sa solitude. A l’annonce du neuvième tome à paraître, elle saute de joie, mais son bonheur ne sera que de courte durée car cette ultime aventure signe la mort du personnage. Une fin qu’Annie ne supportera pas : elle imposera alors à l’auteur d’écrire un dixième roman et de ressusciter, d’une manière ou d’une autre, cette Misery qu’elle aime tant.

L’histoire pourrait glacer le sang. Elle ne le glace qu’à demi. J’ai envie de voir le film de William Goldman dont s’inspire l’esthétique du spectacle. Est-ce seulement le montage qui en fait le véritable thriller dont on m’a parlé ? Que manque-t-il alors entre le film et le spectacle ? Je soupçonne que ce n’est pas grand chose. On sent le potentiel du spectacle. On est d’ailleurs plutôt confiant sur les premières minutes, puis quelque chose se perd…

De manière générale, ce n’est pas un raté. On ne passe pas à côté du spectacle, mais cela semble plus dû à l’histoire palpitante de Stephen King qu’à une réelle intensité émanant du plateau. Elle existe dans les tableaux qui ouvrent le spectacle, puis elle y est comme disséminée, et c’est un geste cruel ou une parole inquiétante qui la ramènent à la vie. Certains actes m’ont même fait détourner le regard, mais j’aurais souhaité que cette peur du plateau soit presque constante, que l’oppression soit telle qu’elle me donne la nausée : après tout, c’est pour cela que je venais !

Au lieu de ça, j’assiste à un thriller convaincant, dont j’ai hâte de connaître l’issue, mais sans non plus haleter. Les noirs successifs cassent le rythme et sont une solution de facilité pour évoquer le temps qui passe – aujourd’hui, d’autres trucs de mise en scène permettent de contourner ce problème – d’autant qu’ils n’impliquent pas de changement de décor. Alors oui, ce ne sont pas des vrais noirs puisqu’ils sont accompagnés de projection vidéo, mais là encore, je trouve que projeter le visage grimaçant et déformé de Myriam Boyer est une solution de facilité pour créer la peur.

Myriam Boyer, me semble-t-il, ne devrait pas avoir besoin de ça pour venir soutenir une interprétation terrifiante. Ici, elle semble s’appuyer trop sur la scénographie pour composer un personnage à la fois inquiétant et cruel, montant en intensité, portant la peur du personnage de Paul jusque chez les spectateurs. Certes, elle parvient à susciter un sentiment de malaise, mais je pense qu’elle peut encore le multiplier par 10. Et rendre à l’horreur sa juste place.

Un spectacle qui devrait gagner encore en intensité.