Olivier Steiner Je me serais quand même tapé successivement deux spectacles sur l'alcoolisme en deux jours ! D'abord, Les enivrés à la Tempête, et hier soir A 90 degrés (la dépression de l'âme est infinie) aux Déchargeurs avec Elizabeth Mazev dans une mise en scène de l'auteure, Frédérique Keddari-Devisme. A la Tempête c'est bien, et ça se joue jusqu'au 21 octobre, il y a de belles fulgurances dans le texte de Ivan Viripaev qui est bien traduit, les performances d'acteurs sont top, en particulier Bruno Blairet (qui ne fait pas du Michel Fau), Matthieu Marie que je ne connaissais pas et la toujours formidable Mélanie Menu hélas sous-employée dans cette pièce. Au Théâtre des Déchargeurs hier soir c'était tout autre chose, Elizabeth Mazev seule en scène, servie et servant un texte d'une précision folle tout en restant dans ce drôle de recul qu'on ne peut appeler que poésie, texte et mots de Frédérique Keddari-Devisme justes jusqu'au vertige. Après, au café, je me demandais comment appeler ce type de théâtre fait de peu mais qui va si loin dans l'âme ? Ce n'est sûrement pas du boulevard, du privé oui mais bof, et je pensais aux grandes productions chics du Festival d'automne, avec ces belles scénographies qui lorgnent du côté de la FIAC, qui sont si photogéniques (parfaites pour Insta) mais parfois aussi totalement désincarnées et inutiles ... le théâtre peut encore être un beau texte sensible et intelligent porté, dit par un corps d'acteur ou actrice. C'est dommage car c'était la dernière hier soir. Je parlais avec Frédérique et Elizabeth, je disais que ce spectacle devait tourner (l'alcool ne concerne pas que ceux qui boivent, il concerne aussi les proches tant les répercussions, la violence, la haine, les insultes vont avec l'ivresse et la perte de soi.) Il paraîtrait que les programmateurs ne savent pas comment mettre cette pièce dans leur belle programmation, ben oui, une histoire de femme qui boit, la dépression, pas de happy end ou feel good truc... dommage et allez, un autre verre pour oublier, un autre verre à la santé de Frédérique Keddari-Devisme, un verre à la santé d'Elizabeth Mazev et un verre à la santé de Mélanie Menu !
Frédérique Keddari-DevismeMerci Olivier Steiner ! ❤ Encore deux dates pour nous voir :les 27 et 28 novembre au Centre des Bords de Marne dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin.
Nathalie FeytEncore encore ! Ce spectacle est tellement au delà de ce que j’appelle le théâtre thérapeutique, il inverse annule cette phrase o combien stupide de Sartre : « l’enfer c’est les autres ! » Dito Nancy Huston !
Frédérique Keddari-Devisme Olivier Steiner Sisi Duparc et Elizabeth Mazev
La Cartoucherie un dernier jour de l’été indien pour aller voir à la Tempête les Enivrés de Ivan Viripaev mise en scène de Clément Poirée. Comment dire ce spectacle d’un russe contemporain nous délivre, car derrière la saoulerie, une fois le triste masque social tombé, il y a une quête universelle, celle d’aimer, celle de vivre un amour fou, les femmes en sont souvent à l’initiative. Les personnages sont très colorés, tous ivres et outranciers et se cognent à l’individualisme forcené. Les acteurs sont tous ou presque... après cela dépend des goûts, des projections de chacun, très bons. Certains sont incroyables celui déguisé en Sumo comme l’autre le grand à la fleur à la boutonnière... Comme chez Dostoievski, la plus belle part est faite aux hommes surtout.... et à Dieu... Les femmes pourtant en tant qu’actrices sont aussi exceptionnelles, celle qui chante... Lora. Leur travail à tous frôle sans arrêt la folie et tombe dans la démesure pour cela ils font des acrobaties, chacun selon l’incarnation du personnage. C’est une claque et comme dit l’autre ! Même quand on est saoulé à mort, il ne faut pas qu’elle soit trop répétitive : la claque, même déclinée par des singularités d’acteurs très différentes... le seul bémol pour moi c’est ça : que le spectacle est un peu long... Mais si j’avais 10 20 30 ans de moins cela ne m’aurait pas lassé et redonné de la force, de l’espoir et l’envie de rejouer sur le fil de la folie, la démesure et le cri.