Avouons-le sans sourciller, le rock français à l'instar du rap lituanien ou du death metal gabonais n'est et ne sera jamais qu'un épiphénomène sympathique. Il y a certes quelques exceptions, mais elles sont si rares que l'on pourrait les compter sur les doigts de la main non coupée de Blaise Cendrars voire sur les doigts de pied d'un unijambiste (choisissons le pied gauche). Pour preuve aujourd'hui j'ai pris la drôle d'idée d'arpenter ma discothèque d'un regard sartrien, et ce, dans l'optique un peu sournoise de dégotter du binaire local et je dois dire qu'en dehors d'un disque des Dogs et d'un vieux 45 tours mordoré de Jacques Dutronc rien de labellisé rock et NF ne m'est vraiment sauté au visage. Ah ! si à la rigueur peut-être et éventuellement il y ce disque d'Orchestre Rouge que vous pouvez entrapercevoir sur la photo placardée au-dessus des lignes malingres que vous êtes en train de lire. Pas vraiment totalement mauvais Orchestre Rouge, produit par Martin Hannett (qui paraît-il dormait sur la console) et pas complètement béret et baguette sous le bras puisque le chanteur Theo Hakola était américain de naissance... Comme je suis très fainéant et que j'éprouve un peu de peine à vous parler de tout ça après avoir soulevé 40 téléviseurs dans la journée - c'est ma profession, je soulève des téléviseurs - je ressors de dessous les fagotins un vieux texte explicatif écrit pour un site Internet trépassé depuis belle lurette. À l'époque j'étais à demi jeune, perclus de clichés et encore presque de gauche, jugez sur pièces :
" ...Un mélange détonnant, soit la lourdeur métaphysique de Joy Division et du post-punk anglais, la conscience politique de Clash et son ouverture vers le Reggae et le dub, une vision plus artistique venant du punk New Yorkais, Television pour les guitares aventureuses et le Velvet pour le romantisme urbain. Orchestre Rouge c'était aussi et surtout la découverte d'un vrai personnage d'une voix à l'accent attachant, la découverte de Theo Hakola une sorte d'aérolithe tombé comme par hasard au cœur de l'agitation punk parisienne. Un Américain à Paris version destroy, mais pas n'importe quel américain. Né à Spokane descendant de mineurs finlandais il commence à militer très jeune vers l'âge de 15 ans dans l'Amérique sinistre forcement sinistre du sinistre Nixon, pour l'écologie pour le droit à l'avortement, il part ensuite risquer sa vie contre le fascisme de Franco sur le terrain en 1975 avec le Comité américain pour l'Espagne démocratique, se passionne pour l'histoire de la guerre civile espagnole qui sera un thème récurant chez lui, devient petit à petit un agitateur un peu souterrain... Donc, voilà en 1978 il débarque à Paris pour apprendre le français et reste planté là. Animateur et producteur d'émissions radios (Nova, France Inter, RMC, Cité 96), acteur dans Mahagonny de Brecht/Weill... comme happé par le maelström punk il fonde Orchestre Rouge en 1980 et Yellow laughter produit par Martin Hannett sort en 1983 chez RCA. Theo Hakola à un peu renié cet album par la suite, reprochant à la production de Hannett de ne pas avoir saisi l'urgence du groupe. Le travail du sorcier mancunien est pourtant assez convainquant et l'album regorge de merveilles acides : " Speakerine ", émouvantes : " Je cherche une drogue qui ne fait pas mal " " arides : " The consul ". Un second disque sortira en 1983 il sera plus dur et près de l'os, voulu plus incandescent il manquera peut-être de couleurs et d'une vraie ligne directrice. Ensuite Hakola créera Passion Fodder mais c'est une autre histoire... "Libellés : solitude de l'audionaute de fond