Je me suis bien pesée, nue, à jeun, chaque samedi matin. Je me suis infligée cette torture pendant huit ans. La balance est pourtant toujours dans mon appartement et je la ressortirai certainement à la fin de l'année, un peu avant Noël (traduction : avant la période où nos bides prennent cher). Elle n'a pas toujours été mon ennemie et j'aimerais qu'elle devienne tout simplement une copine lointaine, histoire de s'échanger quelques nouvelles.
La balance ne devait pas devenir ma meilleure amie malgré moi. J'étais même persuadée de contrôler son utilisation: " nan mais d'abord, je ne me pèse pas tous les jours, c'est rien qu'une fois par semaine, c'est pas une obsession, je gèèère ". Effectivement, au début, la balance n'était pas une source de préoccupation, en tout cas, pas plus que ça. Après tout, j'avais commencé à prendre cette habitude pour lutter contre mes problèmes de surpoids, survenus suite à des TCA (j'en reparlerais peut-être plus tard sur le blog). Je voulais être en bonne santé et me sentir plus globalement mieux dans ma peau : j'avais donc besoin d'être stimulée et de voir mes efforts récompensés.
Pendant mes études, j'étais ravie (non, je n'exagère même pas) de retrouver ma balance (j'ai même hésité à lui donner un petit nom). Il faut savoir que j'ai perdu durant cette période plus de dix kilos. Pourtant, il y a un moment où les chiffres ne descendaient plus alors qu'il me restait encore quelques derniers kilos à perdre. Avec le temps, j'ai fini par comprendre réellement pourquoi je ne parvenais pas totalement à les éliminer : la balance ne permettait pas de se débarrasser de mes TCA. Certes, les crises étaient moins fréquentes mais elles n'avaient pas disparu pour autant. C'est à partir de ce moment-là où j'ai compris que la balance ne faisait qu'entretenir mon problème. Elle me foutait même une pression folle et pourrissait mes journées. " Oh je n'ai perdu que 100 grammes ", " oh j'ai pris 200 grammes ". Résultat : je mangeais énormément durant cette journée juste pour oublier ma contrariété. Un cercle vicieux. Comment alors ai-je pu avoir le déclic de mettre de côté la balance ?
Mes crises sont revenues en force en 2017. En l'espace de trois mois, j'avais bousillé des années d'effort. J'avais déjà du mal à me supporter sur tous les points. Mais alors voir le chiffre croître au fil des semaines était désormais insupportable. Un jour, certainement plus insupportable que d'autres, j'ai zappé la pesée habituelle du samedi pour éviter le schéma habituel (déception puis se réfugier dans la bouffe). Je ne dirais pas que j'avais passé une excellente journée mais elle n'était pas non plus exécrable ou déprimante puisque je n'avais pas consulté un quelconque chiffre sur une balance. Alors, j'ai suivi le même modèle le samedi d'après. Et le samedi d'après. Je me suis alors regardée dans le miroir. J'avais légèrement dégonflé des joues. Ma mère me l'a toujours dit : " on sait si tu as maigri ou grossi en regardant ton visage ". J'avais alors enfin compris que je n'avais pas besoin de cette balance pour connaître mon évolution corporelle ni pour me sentir bien dans mes baskets.
Vous n'imaginez pas le bien fou que ce choix m'a apporté en l'espace de quelques mois (bientôt un an mine de rien !). Je n'aurais jamais cru dire ça mais je suis fière de moi. J'ai alors appris à toucher, observer et même à écouter mon corps et mon visage. Cet exercice était extrêmement difficile pour moi auparavant. Je ne suis pas non plus devenue narcissique mais j'ai tout simplement appris à aimer mon corps et à lui faire confiance. Un pas énorme. On pourra suivre tous les rééquilibrages alimentaires et régimes qu'on veut, mais selon moi une grande partie du travail vient en partie de notre mental. Mes crises de TCA se sont espacées au fil du temps (précision : je suis parvenue à les contrôler depuis novembre 2017 et depuis deux mois je sens même que je n'ai même plus besoin de lutter pour manger normalement). J'ai alors perdu tout le poids pris et même certainement plus. Je n'ai pas besoin de chiffres. Je le sais, je le vois et je m'aime de plus en plus avec ce corps que j'ai choisi de construire sans pression.