Pān Yùliáng, née le 14 juin 1895 à Yángzhōu, province du Jiangsu (Chine), et morte le 13 juin 1977 à Paris, est une peintre, sculptrice et graveuse chinoise.
Nombre de ses œuvres, dont une majorité de linogravures, quelques peintures à l’huile et quelques sculptures, sont conservées au Musée Cernuschi et au Musée national d’Art moderne, à Paris. La plus grande partie des huiles et dessins – plusieurs centaines – sont retournées en Chine, dans la province du Anhui où elle a grandi, par le biais d’interventions efficaces et discrètes.
Née Chen Xiuqing, elle est tôt orpheline, son père mourant un an après sa naissance et sa mère lorsqu’elle à huit ans. Adoptée par son oncle, elle devient Zhang Yùliáng. Mais en 1908, celui-ci la vend à une maison close de Wúhú, province de Anhui. Elle est alors âgée de 13 ans. En 1913, elle rencontre Pān Zànhuà, riche fonctionnaire des douanes qui la rachète et la prend comme seconde épouse. Elle lui emprunte son nom par reconnaissance et devient Pān Yùliáng.
En 1917, elle commence les cours de peinture de Hóng Yě à Shanghai. En 1918, elle réussit le concours d’entrée de l’École des beaux-arts de Shanghai, qui, sous la direction audacieuse de son fondateur Liu Haisu, accueillait son premier contingent d’étudiantes. Cette école était réputée pour son avant-gardisme : on y enseignait les techniques occidentales, et notamment le dessin d’après le modèle vivant. S’intéressant en particulier à la représentation du nu, alors sujet tabou en Chine, elle se rend dans les établissements de bains publics pour réaliser des études, s’attirant ainsi des hostilités. Elle se prend aussi pour modèle, peignant son propre nu, ce qui va à l’encontre des conventions et du conservatisme ambiant (dans le contexte patriarcal chinois de l’époque où les femmes n’ont que peu accès à la culture et à l’éducation). Mais grâce à ses excellents résultats à l’Académie, Pan devint la première femme artiste de la République de Chine à obtenir une bourse d’étude officielle pour étudier en France.
En 1921, elle fait donc partie de la première vague de Chinois qui viennent en France en remportant le concours d’entrée du programme de Lyon dédié aux étudiants chinois (Institut franco-chinois de Lyon), puis le concours d’entrée aux Beaux-arts de Lyon. En 1923, elle entre aux Beaux-arts de Paris et y a comme compagnon d’étude Xu Beihong (l’un des peintres chinois les plus renommés du XXe siècle). Elle y obtient en 1925 une bourse du prix de Rome et part donc à l’Académie de France à Rome. Elle expose en 1926 dans la capitale italienne.
En 1928 elle retourne en Chine où est organisée sa première exposition en solo d’huiles, comportant des autoportraits et des œuvres de jeunesse, et intitulée La Première artiste femme occidentale de Chine. En 1929 elle part à Shanghai et enseigne à l’Académie des beaux-arts de Shanghai où elle est nommée doyenne de la section art occidental. En 1931, Pan décida d’accepter l’invitation de l’artiste Xu Beihong à enseigner à plein temps dans le département d’art de l’Université nationale centrale de Nankin.
Déçue par l’accueil de ses œuvres dans son pays (particulièrement ses nus), Pan Yuliang retourne en France en 1938. Ce second séjour en France, jusqu’à sa mort en 1977, est marqué par un cheminement plus éloigné des institutions artistiques qui s’accompagne de la création d’une œuvre très personnelle, centrée autour de quelques thèmes : le nu féminin, le couple, l’enfance, qui mettent en avant la diversité du répertoire technique de Pan Yuliang, autant que l’unité de son langage artistique.
Pan est morte quelques mois après l’exposition intitulée Quatre artistes chinoises contemporaines (Pan Yuliang, Lam Oi, Ou Seu-Tan, Shing Wai), montrée du 26 mars au 30 avril 1977 au Musée Cernuschi à Paris, laissant derrière elle des milliers d’œuvres qui furent alors transportées et temporairement stockées dans la cave de l’ambassade chinoise à Paris jusqu’à ce qu’elles soient renvoyées en Chine en 1984.
Née à la fin du XIXème siècle, Pan Yuliang a connu la fin de la période impériale et débuté son parcours artistique dans le Shanghai cosmopolite de 1920 avant de gagner Paris, répondant à l’impératif de modernisation des arts qui animait nombre de jeunes artistes de sa génération. À son retour en Chine, en 1928, elle participa activement à une scène culturelle marquée par la refondation de l’enseignement artistique. « Pan est une artiste qui a beaucoup innové et, à ce titre, elle n’a rien à envier à ses condisciples masculins, dont Xu Beihong et Liu Haisu. »
Un temps oubliée du grand public, elle a été redécouverte grâce à la littérature et au cinéma (en 1984 parait Pan Yuliang artiste peintre, un livre de Shi Nan, qui devient un film, en 1994, La peintre, réalisé par Huang Shuqin et Zhang Yimou avec Gong Li dans le rôle titre), une « fièvre Pan Yuliang » s’étant propagée dans la pop culture et les médias grand public depuis les années 1990. Mais, au final, on sait très peu de choses sur elle, le fait que la classe populaire dont était issue Pan Yuliang et son manque d’éducation dans les premières années de sa vie ne lui ayant sans doute pas permis d’acquérir les compétences nécessaires pour écrire sur ses propres idées et sa pratique artistique. Contrairement à Xu Beihong, Liu Haisu ou Zao Wou-Ki issu d’un milieu aisé et qui « aimait citer des expressions directement en français, parfois sans traduction, dans ses textes critiques et même dans les inscriptions ornant ses dessins », Pan Yuliang, orpheline, femme et Chinoise, affronta une situation de double altérité qui la réduisit doublement au silence. Elle consacra les quarante dernières années de sa vie à peindre, restant relativement isolée et nostalgique, et vivant dans un très grand dénuement, proche de celui qu’elle a connu dans sa prime jeunesse. Elle repose au cimetière de Montparnasse avec Wang Shouyi, celui qui lui a apporté son appui durant leurs dernières années dans la capitale française.