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"Si vous voulez connaître le vrai Elie, visitez son jardin. Je me dis parfois qu'il préfère les plantes aux hommes" explique Jean-Paul Rouve dans la mini-préface du "Journal d'un amoureux des plantes" d'Elie Semoun à paraître le 4 octobre aux éditions Ulmer. Le titre de ce journal, "Pelouse interdite", pourrait laisser penser que le lecteur n'est pas le bienvenu, et pourtant... Elie ouvre ici les portes du jardin de sa maison située en banlieue parisienne, son "refuge", son "havre de paix", et dévoile son amour des plantes, tout en se dévoilant également un peu lui-même...
"La première fois que je me suis entendu dire à une plante après lui avoir arraché une feuille par inadvertance : "excusez-moi", je me suis dit que j'avais atteint un degré de folie douce et que je ne pouvais plus revenir en arrière ! (...) Mon jardin est mon amie, ma maîtresse, ma confidente. Le cliché du "jardin secret" (je vous ai évité le titre "le jardin secret d'Elie") est pourtant bien réel. Il est mon journal intime, j'y couche mes joies et mes peines et j'y comble ma solitude. Mais je le partage aussi. Étrangement, quand j'accueille des visiteurs, je le présente souvent comme s'il était ma moitié" explique-t-il.
Dans ce livre, le lecteur devient ainsi visiteur du jardin et un peu de l'âme d'Elie Semoun. Pour pondérer cette intimité, nous ne sommes pas seuls avec l'artiste mais nous partageons la balade avec Didier Willery, auteur de nombreux livres sur les plantes, qui connaît le jardin d'Elie depuis une dizaine d'années, et qui l'a incité à transmettre son expérience à travers ce livre. Au fil des pages, on découvre ainsi les souvenirs, anecdotes et conseils d'un "jardinier amateur", comme se définit lui-même Elie, et les commentaires, précisions et informations pratiques d'un expert du jardinage. L'ambiance décontractée mêle humour, poésie, contemplation... et labeur. Pioche, brouette et râteau à la main, les deux hommes sont aussi là pour expliquer qu'un beau jardin demande beaucoup de travail, et ce tout au long de l'année. "Je fais tout moi-même au jardin, car c'est ce qui me plaît le plus : planter, semer, changer, etc... mais à condition que ça aille relativement vite ! Je dois être lucide et honnête : il se dégage un trait de mon caractère qui n'est pas partagé par la plupart des jardiniers : l'impatience. On dit que le jardin est une école de patience et de sagesse... Eh bien j'ai le regret de constater que sur moi, ça n'a pas eu d'effets !" explique Elie. Un défaut qui a contribué à lui faire faire de mauvais choix au jardin. "Aveuglé par sa pulsion de planteur fou", il raconte ainsi comment il a failli perdre ses camélias et comment Didier a réussi à l'aider à les sauver. Un passage du livre qui devrait parler à de nombreux jardiniers lecteurs !
Mais que trouve-t-on dans le jardin d'Elie à part des camélias ? bien des choses en fait ! Des agapanthes (des fleurs d'été en forme de grosses boules bleues), des sédums (des plantes grasses capables de résister au gel), un buisson d'hébé (une plante originaire de Nouvelle-Zélande qui produit de très nombreuses fleurs blanches, une des plantes préférées d'Elie), des plantes tropicales (fougères arborescentes, gunnera, camphrier...), des bambous, un olivier de 450 ans qui vient d'Espagne (sa fierté!), des penstemons (des plantes amusantes avec des fleurs en forme de clochettes), des hellébores de Corse, un poivrier du Sichouan, des rhododendrons, des hortensias de Bretagne... De nombreuses photographies illustrent chaque recoin du jardin.
Elie Semoun a ramené à Paris de nombreuses variétés qu'il a découvertes lors de ses voyages à travers le monde, d'où l'incroyable diversité de plantes et de fleurs - souvent rares et insolites - que l'on trouve dans son jardin et dans sa serre. "Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai rapporté des plantes par tous les moyens de transports imaginables !" explique Elie Semoun se remémorant avec amusement les regards médusés des gens dans l'avion ou encore le train avec ses sacs remplis de plantes.
Et dans ce magnifique jardin, on trouve également... des animaux ! Des abeilles et des poules. Elie, passionné d'apiculture, possède en effet plusieurs ruches. "Avec les abeilles, je me laisse aller au spectacle de la nature. Je me sens humble et si admiratif" raconte-t-il. "Je ne manque jamais de rappeler que c'est une espèce en voie de disparition, au contraire des hommes qui feraient bien de se faire plus discrets, plus intelligents, moins sensibles à l'argent, bref, plus respectueux de la nature. Parfois les agissements des hommes contre la nature me révoltent. (...) Je suis si fier de posséder des ruches et chaque année, je tremble de les perdre." Il évoque d'ailleurs avec beaucoup de tristesse les fois où il a été confronté à la perte de ruches. Élever de poules est également une autre des lubies d'Elie qui aime les voir déambuler librement dans son jardin.
Le potager d'Elie... l'histoire d'un échec. La tentative de création d'un potager pour plaire à une certaine "Joséphine" est une des histoires les plus drôles et les plus touchantes du livre (avec une photo symbolique d'Elie allongé comme mort dans un trou de terre). L'impatience a eu raison de son potager (dont il ne reste que le vestige d'un artichaut) et de son histoire d'amour... Heureusement, Didier prodigue ses bons conseils pour que le lecteur ne fasse pas les même erreurs ! (avec les plantes, pas avec les femmes)
"Si vous me demandez ce que j'apprends au jardin, je ne vous répondrais pas "la patience", qui vient spontanément, mais plutôt "le respect". Le respect face aux plantes, celui de les cultiver comme elles le méritent, celui de les admirer, d'en prendre soin comme on peut prendre soin de ses bons amis. (...) Le jardin est si vivant qu'une semaine sans lui me semble parfois une éternité ! (...) Il me déçoit parfois et me ravit souvent. Je peux dire que ce jardin me rend heureux. Il est un compagnon fidèle; il m'occupe le corps et l'esprit tout autant que mon métier; c'est un travail perpétuel de création et d'imagination. (...) Ce livre est une forme de déclaration d'amour" raconte Elie.
Touché.
Que l'on aime le jardinage ou pas, cette "pelouse interdite" d'Elie Semoun mérite qu'on s'y allonge pour quelques blagounettes, beaucoup de découvertes, de confidences et d'émotions.
Un livre authentique, drôle, sincère, touchant, à lire comme un journal intime. Car au fur et à mesure de la balade au coeur de ce jardin luxuriant, c'est bien la sensibilité d'un homme à fleur de peau que l'on découvre.
Christina Vieira
"Pelouse interdite" d'Elie Semoun, éditions Ulmer, sort en librairie le 4 octobre 2018. 192 pages, 120 photos. 19 x 26 cm. Prix : 19,90 €.